S O L

Saint-Ouen Luttes

L'émancipation des travailleurs sera l'oeuvre des travailleurs eux-mêmes

n°14 - 28 juin 2001

SOMMAIRE   Mal-logés en colère Grève à l'imprimerie du Parisien Tous ensemble contre les plans de licenciements Une crèche qui ferme Saint-Ouen : un été sans piscine Gare au PARE ! Aux sales boulots, vite ! Et sans discuter ! Grève des " jockeys " à l'atelier de maintenance du Landy Au feu ! Secours sélectifs Editorial : Le soulèvement en Algérie  

Mal-logés en colère

Une centaine de mal-logés et de sympathisants se sont retrouvés ce samedi 23 juin au rassemblement de soutien initié par Droit au logement et appuyé par des audoniens solidaires, la CNT, Echanges, la LCR, Les Verts et Saint-Ouen Ensemble Autrement. Les habitants de l'hôtel Lucia, devant lequel s'est déroulée cette manifestation, ont rappelé qu'ils étaient toujours menacés d'expulsion sans qu'un relogement des familles ne soit programmé. Cet arrêté d'expulsion fait suite à la grève des loyers qu'ils ont engagée pour demander les travaux dans cet immeuble déclaré insalubre par la préfecture elle-même. Devant la banderole " Non aux marchands de sommeil ", ils ont dénoncé les mesures de rétorsion de leur propriétaire qui leur empêche l'accès à l'eau et à l'électricité depuis plus de deux ans. Les voisins s'étonnent qu'on laisse " des gens vivre dans des conditions pareilles et que la mairie ne fasse rien pour les aider, depuis le temps que ça dureŠ".

Des familles ont expliqué que c'était pour échapper à des situations de logement semblables qu'ils avaient décidé de squatter l'immeuble du 4 rue Jules Verne. Là, ce sont plus de 100 personnes qui sont maintenant aussi sous le coup d'une expulsion. Certains ont rappelé qu'en 14-18 puis en 39-45 on était allé chercher leurs ancêtres pour se faire tuer à la guerre. Tous ont crié leur colère devant la manière indigne dont ils étaient traités et ont souligné que " la France ne pouvait pas faire comme s'ils n'existaient pas ". Plus discrètement, les uns et les autres se racontent leur galère pour obtenir un logement. Un mal- logé dit qu'il doit être expulsé le 1er juillet mais que l'assistante sociale lui a promis que l'expulsion ne se ferait pas avant le 15 juillet. Un autre explique qu'il a fait, avec sa famille de 4 enfants, une demande de logement, il y a plus de quinze ans, qu'on lui a promis que sa demande repassait en commission d'attribution cette année mais que ça n'avait rien donné ; or des logements sont parfois attribués en moins de six mois.

Ce mécontentement général a marqué la volonté de lutter contre toutes expulsions sans relogement, dans des logements décents et non dans des hôtels. L'attitude des pouvoirs publics est très critiquée car la préfecture comme la municipalité ne donnent pas de véritables suites aux demandes des mal-logés.

Laurent

 

Grève à l'imprimerie du Parisien

Pendant une semaine, les salariés du groupe Amaury (Le Parisien, L'Equipe...) se sont mis en grève à l'appel de la CGT. A St Ouen, ce sont environ 1000 personnes qui travaillent pour le groupe.

Ils défendaient à la fois leurs conditions de travail et le maintien du système des NMPP (Nouvelles messageries de la presse parisienne), permettant en théorie la distribution dans toute la France des journaux, même les plus petits.

En voulant sortir des NMPP, Le Parisien compromet l'existence des journaux plus modestes. Les grévistes demandent l'égalité de traitement entre les salariés du groupe et ceux des filiales du Parisien. Ainsi, la SDVP (qui assurerait la diffusion du journal s'il sort des NMPP) a surtout recours aux temps partiels, et les salariés ne peuvent pas espérer toucher plus que le SMIC. Une fois de plus, la création de filiales permet de supprimer des avantages acquis par les travailleurs du secteur.

L'accord signé le 17 juin entre la CGT et le groupe Amaury donnait un cadre général pour que ces salariés obtiennent les mêmes conditions de travail, mais rien n'est encore sûr. La CGT se contenterait d'accepter que Le Parisien quitte les NMPP en échange de garanties sur le sort des personnels. Mais les NMPP ne sont pas satisfaits du départ du Parisien, et dénoncent cet accord. C'est donc la réunion du 3 juillet qui permettra d'en savoir plusŠ

Paul

Tous ensemble contre les plans de licenciements

Les vagues de licenciements se succèdent en rafale. Après LU-Danone, AOM-Air Liberté, Marks & Spencer, c'est au tour de BATA, de Phillips, d'Ericson France et bientôt d'Alcatel sous prétexte de profits en baisse pour la vente de téléphones mobiles.

Il y a vingt ou trente ans, le patronat licenciait dans les mines, la navale, à Usinor sous prétexte que ses produits ou ses usines étaient devenues obsolètes. Puis il y a eu les licenciements spéculatifs. Licencier fait monter les actions en bourse. Maintenant, les grands trusts jettent les travailleurs sur le pavé pour ne pas payer les salaires et que les profits ne baissent pas, en attendant que la production reprenne.

C'est le retour au XIX° siècle où on licenciait les travailleurs à chaque à-coup de la production.

Que fait le gouvernement de la gauche plurielle contre les licenciements économiques ? Il a mis en avant une soi-disant loi de "modernisation sociale". le point fort du projet est de doubler l'indemnité légale du licenciement - qui est inférieure à ce que les grosses entreprises accordent déjà habituellement - et de donner la possibilité aux comités d'entreprises de s'y opposer... en faisant appel à un médiateur.

Bref, rien pour interdire les licenciements. La gauche plurielle, cul et chemise avec le patronat, joue le jeu du marché capitaliste. Le P.C.F. a voté cette loi pour faire semblant de faire quelque chose, il est vrai que le 9 juin il s'était contenté d'appeler à un moratoire des licenciements selon la loi. Voilà où mène la politique "un pied à Matignon, un pied dans le mouvement social".

La manifestation du 9 juin, à l'appel des travailleurs licenciés de LU-Danone, AOM-Air Liberté, Marks & Spencer a montré qu'il était possible d'envisager de se défendre autrement que boîte par boîte et de lutter ensemble, partis politiques, syndicats, associations contre les plans de licenciement.

C'est la voie à suivre. D'autres initiatives doivent être prises pour renforcer ce mouvement de protestation qui a commencé à se manifester le 9 juin.

Léo

Une crèche qui ferme

Une crèche qui ferme, est-ce possible alors que les jeunes parents ont toujours autant de difficultés pour trouver une place pour leur bébé ? En plus, il s'agit d'une exception, une des très rares crèches d'entreprises de la région parisienne. Elle accueille - elle accueillait jusqu'à cet été 2001 - les tout jeunes enfants des travailleurs des deux usines du site Alstom (TSO, Transformateurs Saint-Ouen, et SIF, Signalisation ferroviaire). Mais les plans de licenciements, les projets de déménagement, l'incertitude de l'avenir et les démissions de jeunes ont réduit le nombre d'enfants... et les budgets des C.E. qui subventionnaient cette crèche. Six personnes, une directrice, une cuisinière, des puéricultrices et aides-puéricultrices doivent se recaser. On parle souvent des emplois supprimés indirectement par les plans sociaux. En voilà un exemple. Et en l'occurence, pour les travailleurs de l'Alstom, il s'agit de tout un symbole : la jeunesse, l'avenir... " Il faut réagir tous ensemble afin de ne pas être battus les uns après les autres " : c'était justement le motif de la manifestation du 9 juin.

Loïc

Saint-Ouen : un été sans piscine

Les Audoniens seront privés de baignade pendant les chaleurs estivales. La piscine construite en remplacement du centre nautique Auguste Delaune ne devrait ouvrir ses portes qu'au début de l'automne avec dix mois de retard. Pourtant, on n'a pas lésiné sur le budget. A lui seul, le toit amovible de ce mini-Aqualand a coûté cinquante millions de francs.

C'est le secteur privé, soi-disant très performant, qui ne suit pas. Les entreprises répondent à plusieurs appels d'offre et ne terminent pas les chantiers. La société qui devait fournir le toboggan à multiples lacets a fait faillite.

Bref, c'est pas le pied : une piscine en béton et sans eau.

Léo

Gare au PARE !

Du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2003, la nouvelle convention d'assurance chômage, le PARE (Plan d'aide au retour à l'emploi), signée par les patrons et une minorité de syndicats, sera mise en ¦uvre. Un dispositif permettant d'obliger les travailleurs à accepter n'importe quel boulot, dans n' importe quelles conditions (temps très partiels, contrats précaires ) avec obligation de suivre une formation de reconversion en cas de non-retour rapide au travail dans sa branche d'origine. Selon la ministre de l' emploi Guigou, il n'est pas obligatoire. En revanche, selon elle, le PAP, Plan d'action personnalisé, est obligatoire pour tous. Le PAP, c est le volet chômeur du PARE, le volet patron étant des cadeaux financiers en tout genre : par exemple des aides pendant trois ans pour l'embauche de chômeurs sous forme de 40% du salaire. Plus hypocrite que Guigou, tu meurs ! Rassurez-vous, c'est l 'Etat qui paiera, c'est à dire nous.

Relou

Gare au PARE (suite...)

Aux sales boulots, vite ! Et sans discuter !

Voici quelques instructions données aux agents ANPE depuis vendredi dernier, sur le PARE :

1/ Le PARE est obligatoire (sauf si on ne souhaite pas percevoir ses indemnités ASSEDIC !)

2/ Après inscription, il faut aller à l'ANPE dans les vingt jours. Comme avant, sauf qu'en cas d'absence, il n'y a plus de délai supplémentaire de quinze jours. On reçoit aussitôt un avertissement avant radiation et là, il y a intérêt à se présenter rapidement à l'ANPE !

3/ A l'entretien de l'ANPE, les documents remis (copie du dossier et actions à entreprendre) représente le PAP(Plan d'action personnalisé). Celui-ci est signé par l'agent et le demandeur d'emploi est fortement incité à le signer aussi. La signature n'est pas obligatoire et aucune sanction ne peut être faite en cas de refus de signature. Néanmoins, les agents ont pour consigne d'essayer de l'obtenir.

4/ Hors de question de trouver sa formation tout seul. La formation doit être validée dans le PAP avant le début de celle-ci, sinon elle peut être refusée et vous ne serez alors pas rémunéré !

Ca promet...

Relou

 

Grève des " jockeys " à l'atelier de maintenance du Landy

 

Lundi 25 juin, la totalité des remiseurs-dégareurs, les jockeys comme on les appelle dans le métier, se sont mis en grève sur le site du Landy où sont placés les TGV qui repartent en gare. Depuis des mois, ils revendiquent notamment la création de 20 postes supplémentaires, la requalification des agents et la reconnaissance de leur métier. Sur les 20 postes demandés, la direction n'en propose que 5 maintenant et 5 en 2002.

Les cadres tentent de remplacer les grévistes. En vain. Les TGV (Thalys, Eurostar, TGV Méditerranée) sont en retard.

Avec les départs en vacances, le week-end de fin juin pourrait donc être chaud et risque de faire râler les voyageurs. Mais la direction, quand elle signale dans les gares les mises à quai tardives, oublie de dire que c'est à cause de son refus de répondre aux demandes des travailleurs.

Laurent

Au feu ! secours sélectifs

Aux environs de minuit, le samedi 2 juin, un incendie s'est déclaré dans un appartement inoccupé de l'avenue Victor Hugo. Le feu a gagné le bar-restaurant du rez-de-chaussée, et la trentaine d'habitants des étages de l'immeuble, fuyant la fumée, se sont retrouvés à la rue, le plus souvent sans avoir eu le temps de prendre ne serait-ce que leurs chaussures. Si les pompiers et la police sont intervenus rapidement, les services municipaux qui, dans ce type de situation, assurent normalement un logement de secours, ne sont arrivés qu'à 4 heures du matin. Ce n'est qu'à 8 heures qu'avec ses enfants une dame qui était propriétaire d'un des appartements a pu obtenir un logement d'urgence. Les autres habitants avec de très jeunes enfants ont dormi sur le terre-plein de la place du capitaine Glarner ou dans leur voiture. Ils n'avaient pas de bail et la politique municipale est de ne pas accorder de secours dans ces cas-là.

Laurent

Editorial

Le soulèvement en Algérie

Depuis l'assassinat d'un adolescent à Beni Douala près de Tizi Ouzou, la révolte des jeunes touche presque toute l'Algérie. Malgré une répression policière utilisant des bandes fascistes qui a fait plus d'une centaine de morts et des milliers de blessés, le mouvement ne cesse de s'étendre.

La jeunesse, de très jeunes lycéens, des chômeurs, n'est pas sortie dans la rue sur de seuls objectifs identitaires kabyles, l'autonomie, la langue Tamazight. Les jeunes ont mis en avant des mots d'ordre politiques dénonçant la dictature et la répression "Pouvoir assassin", "Assez du mépris (la Hogra)", "Dehors les forces de l'ordre". Ils ont aussi avancé des revendications sociales "Du travail et du pain", "Il y en a marre de la misère", "Des logements", "Assez de chômage", "On n'est pas des mendiants".

Pour la première fois depuis les grèves ouvrières d'octobre 1988, la population prend son sort en main. Le pouvoir, il y a treize ans, n'avait empêché la révolution qu'au travers d'une guerre civile atroce de dix ans qui a fait 200 000 morts. Elle a opposé les bandes armées islamistes et l'armée algérienne mais en réalité, ce sont les civils que les tueurs du FIS, du GIA et du pouvoir militaire ont massacrés et pris en otage.

C'est de ce piège sanglant que les jeunes veulent sortir. Dans cette lutte ils ne peuvent compter que sur eux mêmes, pas sur les organisations qui recherchent une solution avec ce pouvoir. C'est ce pouvoir dictatorial qu'il est nécessaire de renverser par une grève générale appuyée par le peuple dans la rue et les soldats qui changent de camp.

Les révoltés d'Algérie n'ont rien à attendre des gouvernements français de gauche comme de droite. Après avoir ravagé l'Algérie, assassiné, torturé, au cours d'une sale guerre de huit ans, de 1954 à 1962, le gouvernement français a soutenu la dictature algérienne contre les travailleurs de ce pays. Mitterrand, après la victoire du FIS en 1991, s'était déclaré prêt à travailler avec les intégristes. Depuis, l'Elysée, pétrole, gaz et commerce obligent, a toujours soutenu Bouteflika et le pouvoir réel, l'armée algérienne.

Ce sera de la responsabilité du mouvement ouvrier français et de ses organisations politiques d'apporter soutien, aide fraternelle, et perspectives aux jeunes et aux travailleurs révoltés d'Algérie.

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