S O L

Saint-Ouen Luttes

L'émancipation des travailleurs sera l'oeuvre des travailleurs eux-mêmes

n°15 - 28 septembre 2001

SOMMAIRE   Toulouse : Le capitalisme terroriste 10 avenue Capitaine Glarner : Des dizaines de familles toujours en attente de relogement ! Migration forcée des tsiganes Friche du RER - Victor Hugo Saint-Ouen, Vert : le dernier carré Risques d'explosion à Saint-Ouen ? 11 septembre 2001 : Deux poids, deux mesures ! Education : Rentrée à risque Au pont de Saint-Ouen, il y a 40 ans : Les massacres policiers de la guerre d'Algérie Editorial : Contre le terrorisme Non à l'intervention militaire          

Toulouse

Le capitalisme terroriste

Vingt-neuf morts, en majorité des ouvriers, 782 blessés hospitalisés dont 34 seraient dans un état grave, 2400 blessés au total, une vingtaine de milliers de logements détruits ou endommagés, une vingtaine d'écoles inutilisables, le quart des bus de la ville bons pour la ferraille, des milliards de francs de dégâts, tel est le bilan de l'explosion qui a détruit le vendredi 21 septembre l'usine AZF Grande Paroisse de Toulouse.

Pendant un temps les toulousains ont pensé qu'il s'agissait d'un attentat terroriste. Aux dernières nouvelles, les autorités retiennent la théorie de l'accident. Le procureur lui-même accuse de " négligence " les responsables de l'usine qui appartient au groupe TotalFina-Elf.

Depuis des années, les syndicats dénonçaient l'absence de sécurité dans une usine insalubre où le nitrate d'ammonium dangeureusement explosif était stocké dans un hangar vétuste. Le profit passait avant tout au mépris de la sécurité des travailleurs.

Que dire d'une usine dangereuse à ce point, entourée de quartiers ouvriers et proche du centre-ville ? La croissance urbaine aurait rattrappé l'usine, ainsi que l'usine de la Société nationale des poudres et explosifs (SNPE) proche d'AZF ? Qu'est-ce qu'empêchait TotalFina-Elf de la déménager ? Ne pas diminuer les profits des actionnaires, évidemment.Il paraît qu'il y aurait 370 installations aussi dangeureuses classées " Seveso " en France. Vingt-six usines de ce type dans la seule agglomération de Rouen.

Le péril terroriste existe bel et bien, les responsables de ces explosions passées, présentes et futures, pas besoin de les chercher en Afghanistan. Ils sont confortablement installés dans leurs fauteuils des conseils d'administration des grandes sociétés capitalistes.

Léo

10 avenue Capitaine Glarner

Des dizaines de familles toujours en attente de relogement !

Depuis des années, les habitants du 10 avenue du Capitaine Glarner interpellent les pouvoirs publics sur les risques qu'ils encourent à vivre dans cet immeuble délabré. Cet été, le 23 août, une partie de la façade s'est effondrée et 57 familles, représentant environ 150 habitants, ont été évacuées d'urgence. Cet immeuble à l'abandon était géré par une copropriété comprenant un marchand de sommeil, propriétaire de la majorité d'appartements qu'il louait, des particuliers ayant acquis leur logement et l'Office HLM de Saint-Ouen, qui y relogeait des familles dans des conditions loin d'être décentes. La mairie était bien sûr au courant de l'état déplorable de l'immeuble. La maire prétend même qu'une procédure de résorption de l'habitat insalubre (RHI) avait été enclenchée au début de l'année dernière mais les protestations des habitants sur leurs conditions d'habitat, tant auprès de la municipalité qu'auprès de l'Etat, datent de plus de cinq années.

Aujourd'hui, où en est le relogement des habitants ? La municipalité, depuis leur évacuation, offre un abri provisoire dans des hôtels et au foyer d'accueil de personnes sans domicile de la rue Anselme. Pour répondre aux attentes des 57 familles, la mairie aurait proposé 25 relogements et la préfecture 10. 18 familles auraient accepté les logements proposés par la mairie. A une de celles qui a refusé un relogement, il était proposé un appartement en lointaine banlieue alors qu'elle réside à Saint-Ouen depuis une vingtaine d'années, qu'elle a formulé une demande de logement depuis plus de quinze ans et que ses enfants ont repris l'école cette année dans la ville ! Les élus municipaux essaient de pousser l'Etat à débloquer plus de logement et celui-ci traîne les pieds.

En attendant, des dizaines de familles vivent à l'hôtel. Il serait temps que les pouvoirs publics assurent un véritable relogement des habitants du 10 Glarner et s'attaquent réellement aux dizaines d'autres immeubles et appartements insalubres que compte la ville.

Laurent

Migration forcée des tsiganes

L'immeuble qui avait pris feu le 2 juin dernier (Cf. Saint-Ouen Luttes n°14), avenue Victor Hugo, a été muré pour les familles tsiganes qui occupaient sans bail une partie des appartements. Il n'y a pas eu de relogement, enfants et parents dorment dans leur voiture, et leur migration forcée continue.

 

Friche du RER - Victor Hugo

Saint-Ouen vert : le dernier carré

Pendant l'été, un morceau du boulevard urbain qui ampute l'unique espace encore vert du quartier Victor Hugo a été construit, sans que les voisins de cette voie en soient ne serait-ce qu'informés. La maire invite a de nouvelles rencontres pour " discuter " des projets. Pourtant, aucun plan précis des projets urbanistiques n'est fourni. Ainsi celui donné dans le Saint-Ouen Ma Ville de juillet 2001 est à lire avec une loupe, n'est pas à l'échelle, n'a pas de légende et ne distingue pas l'existant des travaux opérés de ceux projetés.

Une pétition contre le boulevard urbain et pour la préservation de l'unique espace vert du quartier, a recueilli un millier de signatures. Les pétitionnaires formulent de nombreuses suggestions pour l'aménagement de la friche : un parc, un kiosque, des jeux pour les enfants, des arbres, des jardins ouvriersŠ Conserver à Saint-Ouen ces derniers mètres-carrés de verdure serait évidemment positif.

Jean Dubois

 

Migration forcée des tsiganes

L'immeuble qui avait pris feu le 2 juin dernier (Cf. Saint-Ouen Luttes n°14), avenue Victor Hugo, a été muré pour les familles tsiganes qui occupaient sans bail une partie des appartements. Il n'y a pas eu de relogement, enfants et parents dorment dans leur voiture, et leur migration forcée continue.

Risques d'explosion à Saint-Ouen ?

Y a-t-il, dans une usine comme l'Alstom, qui se trouve très près du centre-ville et de nombreux immeubles habités, des risques d'explosion ? Nous avons posé la question à des travailleurs de l'usine. Ils se sont regardés et ont répondu sans hésiter :

" Il y a la dilutine. " Il s'agit d'un solvant utilisé en très grandes quantités, dont la composition est proche du kérosène. Il sert à assécher les gros transformateurs après leur fabrication. Des dispositions particulières telles qu'interdictions de fumer et de souder entourent les installations concernées. Ce n'est pas tout.

" Il y a aussi le pyralène. " Ce PCB (polychlorobiphényle) est une sorte d'huile de fabrication chimique qui était utilisée comme isolant et réfrigérant dans les transformateurs. Son utilisation est depuis longtemps interdite, mais les transfos de moyenne tension qui font partie des installations électriques sont toujours là, aux quatre coins de l'usine. Au-delà de 300 degrés, donc en cas d'incendie, le pyralène produit de la dioxine, le gaz de Seveso de sinistre mémoire.

Dilutine et pyralène : c'est tout ? " On a utilisé beaucoup d'amiante, mais ça n'explose pas ! " Par contre, le dossier amiante est un bel exemple de la manière dont la direction de l'usine freine des quatre fers pour reconnaître les problèmes de sécurité, pour écouter les délégués du personnel, et pour prendre les mesures nécessaires.

En matière d'environnement, les travailleurs évoquent aussi une " lentille d'huile ", une couche d'huile minérale d'environ un mètre d'épaisseur détectée sous le sol de l'usine et sur l'eau de la nappe phréatique. Cette huile a été pompée, mais des prélèvements de contrôle récents ont révélé qu'elle était de retour...

Kérosène, pyralène, amiante ou pollution des nappes phréatiques ne sont malheureusement pas le fait d'une seule usine et d'une seule commune en France et dans le monde. Mais pour les travailleurs de l'Alstom, le responsable de ces problèmes est connu, c'est le patronat. Dans sa course au profit, la santé des hommes et celle de la planète sont une charge.

" Que conseillerez-vous aux habitants de Saint-Ouen en cas d'incendie dans votre usine ? " - " Partir immédiatement, et à plusieurs kilomètres ! "

On sait, pourtant, que le capitalisme est partout.

Loïc

Deux poids, deux mesures !

11 septembre 2001

Aujourd'hui aussi, comme chaque jour, 35 615 enfants sont morts de faim :

victimes : 35 615 (FAO)

lieu: pays pauvres de la planète

quelles réactions à cet état des choses?

message du président de la république : zéro

minute de silence : zéro

convocation d'unité de crise : zéro

mobilisation de l'armée : zéro

commémorations des victimes : zéro

les bourses en dollar ou en euro : zéro

niveau d'alerte : zéro

hypothèse sur l'identité des criminels : zéro

probables mandants du crime : les capitalistes

Si l'attentat de New York est inhumain, comment pouvons-nous qualifier l'acte de laisser mourir 13 millions d'enfants par an ?

Aux USA, en Afghanistan et partout ailleurs ceux qui pâtissent des conflits et des violences ce sont les plus pauvres, les travailleurs, chômeurs, précaires et autres exclus de tous les pays. Ne nous trompons pas d'adversaires, unissons nos forces pour réussir notre lutte, celle d'un changement social.

Relou

Rentrée à risque

Le collège Joséphine Baker est désormais un établissement pilote pour le " plan de prévention contre la violence ", et les jeunes professeurs sont sur des " postes à exigences particulières " de niveau 4. Que d'annonces pour une rentrée laborieuse ! Derrière ces noms pompeux se cache une toute autre réalité : un seul surveillant, à mi-temps, était présent pour assurer la rentrée, et toujours pas d'infirmière ni de conseiller d'orientation.

Et pourtant, cette fois, des postes existent ! Mais soit les nominations tardent, soit les personnes sont en arrêt maladie. Les remplacements existent bien en théorie, mais à moins d'une absence d'au moins quinze jours prévue à l'avance, le rectorat n'envoie personne et laisse les personnels présents se débrouiller, vu le manque d'encadrement, au risque d'incidents graves. Déjà deux fractures depuis la rentrée, pour des élèves qui se trouvaient sans surveillance pendant les intercours.

Si les établissements disposaient réellement d'un nombre de postes calculé d'après les besoins, et non d'après une logique d'économies de bouts de chandelles, on pourrait enfin s'en sortir en donnant un enseignement dans des conditions normales. Des embauches, dans le collège et des remplaçants, un début de solution.

Paul

Au pont de Saint-Ouen, il y a 40 ans
Les massacres policiers de la guerre d'Algérie

 

Le 6 octobre (1961), le cabinet du préfet Papon publiait le communiqué suivant :

" Dans le but de mettre un terme sans délai aux agissements criminels des terroristes algériens, des mesures nouvelles viennent d'être décidées par la Préfecture de police. En vue d'en faciliter d'éxécution, il est conseillé, de la façon la plus pressante, aux travailleurs algériens de s'abstenir de circuler la nuit dans les rues de Paris et de la banlieue parisienne et plus particulièrement de 20 h 30 à 5 h 30 du matin. (...) D'autre part, il a été constaté que les attentats sont, la plupart du temps, le fait de groupes de trois ou quatre hommes. En conséquence, il est très vivement recommandé aux Français musulmans de circuler isolément, les petits groupes risquant de paraître suspects aux rondes et patrouilles de la police (...) . "

L'Humanité écrivait, le 26 octobre : " Est-il exact que, dans la matinée du samedi 14 octobre, quinze Algériens ont été arrêtés dans le 18e arrondissement de Paris ? Est-il exact que, dans la soirée du même jour, ces quinze Algériens, transportés en car, aient " disparus " dans la Seine, au pont de Saint-Ouen ? Impossible qu'officiellement on ne soit pas au courant, sauf peut-être que certains de ces Algériens savaient nager et qu'ils ont pu, ensuite, faire le récit de leur tragique mésaventure... "

L'indignation a gagné même certains policiers : un groupe de policiers républicains a adressé à la presse un document de près de 4 pages (...). Voici ce document : " Ce qui s'est passé le 17 octobre 1961 et les jours suivants contre les manifestants pacifiques, sur lesquels aucune arme n'a été trouvée, nous fait un devoir d'apporter notre témoignage et d'alerter l'opinion publique. (...) A Saint-Denis, les Algériens ramassés au cours de rafles sont systématiquement brutalisés dans les locaux du commissariat. Le bilan d'une nuit récente fut particulièrement meurtrier. Plus de 30 malheureux furent jetés, inanimés, dans le canal après avoir été sauvagement battus. A Saint-Denis, Aubervilliers et dans quelques arrondissements de Paris, des commandos formés d'agents des brigades spéciales des districts et de gardiens de la paix en civil " travaillent à leur compte ", hors service. Il se répartissent en deux groupes. Pendant que le premier arrête les Algériens, se saisit de leurs papiers et les détruit, le second groupe les interpelle une seconde fois. Comme les Algériens n'ont plus de papiers à présenter, le prétexte est trouvé pour les assommer et les jeter dans le canal, les abandonner blessés, voire morts, dans des terrains vagues, les pendre dans le bois de Vincennes. "

Extraits du livre Ratonnades à Paris, Paulette Péju, Ed. La Découverte

 

Editorial

Contre le terrorisme

Non à l'intervention militaire

Bruits de bottes, de bombardiers et de porte-avions autour de l'Afghanistan après les attentats kamikazes qui ont détruit le World Trade Center à New-York le 11 septembre.

La colère des Américains est compréhensible à la vue de ces milliers de civils brûlés ou écrasés dans les décombres de ces gratte-ciels. Le peuple américain réclame un châtiment des coupables. L'Etat américain par la voix de Bush engage une croisade contre les états qui abriteraient les intégristes, les fanatiques des réseaux de Ben Laden. Qui est Ben Laden, le présumé auteur des attentats ? Un capitaliste saoudien, milliardaire, dont la formation a été plus assurée par la CIA que par le Coran. Et les talibans ? Des fascistes qui, au nom de l'islam, affament leur peuple, le persécutent, lapident les femmes adutères. Des fascistes, des intégristes, oui, mais équipés et armés par les Etats-Unis, tout comme les troupes de Ben Laden, pour faire la guerre contre l'URSS.

Les USA désignent maintenant les talibans comme l'ennemi. Demain, ce sera qui ? L'Irak ? La Syrie ? Le Pakistan ? Les bombardements terroristes des B-52 ou des missiles de croisière, empêcheront-ils d'autres attentats à New-York, Londres ou Paris ? On peut en douter. Cela fera des dizaines de milliers de morts civils ou militaires, avec pour seul résultat d'aggraver encore l'existence de ces peuples.

On nous prêche la croisade contre le terrorisme sans répondre à la question que posait un new-yorkais. "Qu'avons-nous fait pour qu'ils nous haïssent à ce point ?" Ce sont les massacres des impérialistes dans le monde, en Irak, au Rwanda, la répression en Palestine qui créent le désespoir et engendrent le terrorisme. Derrière le terrorisme il y a la misère, l'oppression dont sont responsables les grandes puissances.

On nous prêche la croisade, le patriotisme. Il faut être solidaires, nous dit-on, sauver l'économie. Mais les actionnaires des grandes sociétés capitalistes se sont empressés de vendre leurs actions pour sauver leur fric, au risque d'approfondir encore la crise économique mondiale. Ainsi, dès le lendemain des attentats, les compagnies aériennes licenciaient des dizaines de milliers d'employés. Alors que la récession était déjà là, les capitalistes saisissent tous les prétextes des attentats pour accroître le chômage.

Ce n'est pas aux travailleurs de payer les frais de l'intervention militaire des grandes puissances. Pas un sou, pas un homme, pas un sacrifice pour la guerre que notre gouvernement et celui des Etats-Unis nous préparent.

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