S O L

Saint-Ouen Luttes

L'émancipation des travailleurs sera l'oeuvre des travailleurs eux-mêmes

Numéro 7 du 30 septembre 2000

SUITE DE SOL N° 6

A Saint-Ouen, il n'y a pas de Tziganes heureux

" Porrajmos ", la Shoah, le génocide oublié des Tsiganes.

Le pire était à venir avec l'avènement du nazisme en 1933. 500 000 Tsiganes - c'est un chiffre minimum -, trouveront la mort dans les camps d'extermination. Le camp Tsigane, dans l'enceinte d'Auschwitz, fut supprimé le 2 août 1944 et les hommes, femmes et enfants furent tués dans les chambres à gaz. Au procès de Nuremberg, organisé après la guerre pour juger les criminels nazis, aucun Tsigane ne fut appeler à témoigner. Bien plus, ils n'ont jamais obtenu la moindre réparation sous prétexte qu'ils n'avaient pas été exterminés au titre d'une persécution raciale. Le Ministre de l'intérieur allemand a même tenu à préciser dans une circulaire qu'ils « ont été persécutés par les nazis non pour quelques raisons raciales, mais en raison de leurs antécédents d'asociaux et de délinquants ».

Les pays dit démocratiques n'ont pas été en reste pour pratiquer une politique raciale anti-Tsigane. En mai 1999 le Parlement suédois a décidé d'indemniser les victimes de la stérilisation forcée pratiquée dans ce pays à l'encontre de 63 000 Tsiganes et malades mentaux entre 1934 et... 1975. Le Danemark et la Norvège ont participé aux mêmes crimes. La Confédération Helvétique, elle a subventionné jusqu'en 1967 l'Šuvre "Pro-Juvente" qui kidnappait les enfants Jénishes pour les éduquer à sa manière, en les soustrayant à leurs parents et en les maltraitant, afin de « combattre le nomadisme en faisant exploser la communauté des gens du voyage ».

Du stalinisme au capitalisme

Les Tsiganes roumains hébergés rue Farcot à Saint-Ouen,, puis à Fontenay-sous-Bois, proviennent de deux villages, Sepreus et Curtiei, situés dans la région d'Arad, au nord-ouest de la Roumanie. Les Tsiganes sont deux millions et plus en Roumanie, la plus forte communauté, précédant celles de Hongrie et de Bulgarie (800 000), celle de Slovaquie (500 000), de l'ex-Yougoslavie (400 000), de la République Tchèque (200 000), de la Bosnie et de l'Albanie (100 000) et de la Pologne (40 000). En Roumanie, la vie des Tsiganes n'a pas été idyllique. Au XVI siècle ils furent réduits en esclavage au profit de l'Etat, du clergé et des propriétaires terriens. Des ventes publiques sont organisées où hommes, femmes et enfants sont vendus sur les marchés. L'esclavage ne sera définitivement aboli qu'en 1856.

Dès la fin des années 1950 des mesures d'assimilation forcée et de sédentarisation brutales sont prises par les régimes staliniens. On leur interdit d'utiliser leur langue. Leur statut de minorité est supprimé sous prétexte qu'ils ne vivent pas sur un territoire défini comme les autres minorités nationales. L'industrialisation leur fait perdre leur emploi traditionnel et les relègue dans les travaux les moins qualifiés et les plus durs. Mais personne n'avait le droit de tuer des Roms ni " officiellement " de les injurier.

L'Europe de l'Est est devenue un enfer pour les Tsiganes. Après les années 90, le passage au capitalisme a considérablement aggravé leur situation dans les pays de l'Est. Ils ont été les grands perdants du passage à l'économie de marché. Ils ont été les premiers à perdre leur emploi, à se retrouver en butte aux comportements ouvertement racistes des chefs d'entreprises et des fonctionnaires. Des dizaines d'entre eux ont succombé aux coups de l'extrême-droite et des skinheads. De véritables pogroms ont eu lieu. Les premiers à fuir ont donc été les Roms de Roumanie pour des raisons économiques et politiques. Quelques-uns ont abouti à Saint-Ouen. Entre 1990 et aujourd'hui plus de 30 Tsiganes tchèques ont péri dans des ratonnades. 80% des enfants Rom sont placé dans des établissements primaires dits "spécialisés", c'est-à-dire réservés aux handicapés mentaux. Des restaurants, des discothèques, des piscines leur sont interdits. A Usti, le Maire a fait construire un mur de 4 mètres pour séparer les HLM des Tsiganes sous prétexte « de séparer les gens décents de ceux qui ne le sont pas ». La guerre de l'OTAN contre la Serbie a fait succéder, au nettoyage ethnique des Albanais par les Serbes du Kosovo, le nettoyage ethnique des Serbes et des Roms par l'UCK albanaise sous prétexte de collaboration avec les Serbes, accompagné des mêmes atrocités. Les Roms sont acculés à fuir la province et à choisir l'exil car ils sont même exposés aux menaces racistes de certains officiers de la KFOR censés les protéger, qui collaborent avec l'UCK.

Que font les pays riches ?

C'est le moment que choisissent les pays riches d'Europe, la France socialiste en tête, pour durcir leur politique en matière d'immigration et d'asile politique pour ces Roms. Elle utilise désormais une procédure prioritaire permettant d'expulser en 24 heures les candidats roumains à l'immigration qui sont majoritairement Tsiganes. L'expulsion d'un groupe de Tsiganes de Gand en Belgique, vers la Slovaquie où ils sont persécutés, est tout un symbole. L'Angleterre, l'Italie et l'Allemagne en font autant. L'Europe capitaliste et démocratique est devenue pour ces Tsiganes un monde sans visa, une Europe barbare, capable de lever ses frontières au passage des capitaux, mais qui les ferme aux Tsiganes persécutés. L'Europe des travailleurs est encore à construire, et son premier acte sera d'abattre ces frontières ignobles qui séparent encore les travailleurs et les peuples de tous les pays.

Léo

SAINT-OUEN - ALSTOM - TSO

147 au lieu de 194

Les documents préparatoires au Comité central d'entreprise du mercredi 4 octobre annoncent 147 suppressions d'emplois à Alstom-TSO (Transfor-mateurs Saint-Ouen) au lieu des 194 annoncés en mai, soit 47 de moins. Pour 100 millions de commandes supplémentaires, ils nous font l'aumône de sauver 47 emplois, mais ils continuent à vouloir licencier 147 d'entre nous. Or le bénéfice net d'Alstom a progressé de 15 % ! Les licenciements devaient être effectifs en juillet, des batailles de procédures ont permis de retarder un peu l'échéance. Mais la mobilisation doit peser pour faire cesser le scandale : des milliards de profits d'un côté et des travailleurs jetés à la rue de l'autre.

Loïc

 

RATP : il y a de la police... mais où est la justice ?

Jean-Charles a été arrêté en décembre 1997 par cinq agents de sécurité (GPRS qualifiés "Rambos du métro") pour la diffusion d'un tract réclamant l'accès au service public des transports pour tous, an particulier pour les travailleurs sans emploi et les précaires à la recherche d'un travail, obligés d'effectuer des démarches administratives. Allocataire du RMI, il a été condamné à une amende de 2650 F, soit plus d'un mois de son revenu, et on lui refuse l'aide juridictionnelle. Non seulement, on voudrait financièrement l'empêcher de se défendre mais il est verbalisé pour " propagande et distribution de tracts ", une réglementation instaurée en 1942 par le régime de Vichy que la RATP continue d'appliquer.

Relou

 

Non au licenciement d'une infirmière à l'hôpital d'Argenteuil !

Le 14 août, le directeur de l'hôpital d'Argenteuil a licencié Edith Lecocq qui exerce son métier depuis 30 ans dont 5 dans cet hôpital sous prétexte de s'être rendue dans un autre service lors d'une garde de nuit, pratique pourtant courante. Après avoir créé un syndicat SUD, il y a un an, elle militait contre les conséquences de l'introduction des 35 heures en équipe de nuit qui aurait fait perdre 2000 F aux infirmières. Avant même de prendre la sanction que l'on sait, la direction l'a mutée en journée avec une perte de salaire de 3000 F. Un comité de défense s'est constitué pour obtenir sa réintégration au poste qu'elle occupait.

Léo

 

EDITORIAL

Au nom de la "mixité sociale", on veut virer les pauvres !

Le Conseil municipal d'Aubervilliers, à l'unanimité (PC, PSŠ avec l'abstentionŠ d'un Vert) a demandé l'expulsion d'une soixantaine de familles qui squattaient des logements sociaux (vides depuis plusieurs années) de la Cité de la Maladrerie. 23 familles ont déjà été expulsées en août et les autres risquent de l'être d'ici la mi-octobre. Celles qui sont encore dans les logements ont eu l'électricité coupée à la demande de la Municipalité qui s'est aussi opposée à la scolarisation d'une partie des enfants. A Saint-Ouen, la Municipalité qui avait déjà poussé à l'expulsion de tsiganes a essayé d'empêcher les squatters d'un immeuble d'obtenir l'accès à l'eau et au téléphone. A Montreuil, des familles qui occupent une maison appartenant à une société d'économie mixte se voient privées d'eau et d'électricité et menacées d'expulsion à la demande de la Municipalité. Celle-ci bloque en outre l'accès des jeunes enfants au service de la Protection de la Maternité Infantile (PMI). Les familles luttent contre ces atteintes à leurs droits minimaux : campement devant la mairie d'Aubervilliers, occupations de la mairie de Montreuil, d'agences d'Edf, de France Telecom, de la Générale des eaux et manifestations se succèdent.

Jack Ralite, maire (PC) d'Aubervilliers dans un entretien donné au Parisien considère que « La Seine-Saint-Denis, et plus particulièrement Aubervilliers, accueille de nombreux immigrés. Si ce mouvement continue, nous allons faire de ce département le plus solidaire de France un ghetto. Je m'y refuse. » Au nom du "principe de mixité sociale" les maires de la proche "banlieue rouge", souvent communistes mais le plus fréquemment à la tête de coalitions municipales avec le PS, veulent diversifier leur population. Le principe de mixité sociale, qui va être examiné au Parlement dans le cadre d'une loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains obligerait les communes des agglomérations de plus de 50000 habitants à avoir au minimum 20 % de logements sociaux. Il toucherait donc les villes bourgeoises qui n'ont parfois aucun logement social et qui disposeraient d'un délai de vingt ans pour rattraper leur retard. Mais on peut se demander si les futurs HLM du Raincy ou de Neuilly ne vont pas plus servir à accueillir les cousins des cadres des organismes de logements sociaux et les enfants des élus politiques que les balayeurs maliens. Les pouvoirs publics n'ont pas proposé aux familles expulsées d'Aubervilliers un HLM à Passy ou dans le XVI° mais des chambres d'hôtels pour quinze jours !

Aujourd'hui, rien n'est changé pour les villes bourgeoises, mais les représentants des villes et quartiers populaires utilisent le principe de mixité sociale pour freiner l'accès des familles pauvres aux logements sociaux. Les logements restent vides, en l'attente de la classe moyenne, et de vastes ensembles de bureaux se construisent, quand nombre d'autres restent à louer. La "mixité sociale" qui selon ses défenseurs parviendra à faire cohabiter les pauvres et les riches, sert actuellement à expulser les travailleurs sous-payés de leurs logements. Pour lutter vraiment contre la misère, il faut lutter ensemble français, immigrés pour l'accès à la santé, à l'éducation, aux services culturels, au logement pour tous ; contre l'exploitation, pour l'égalité économique et sociale.

Laurent

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