S O L

Saint-Ouen Luttes

L'émancipation des travailleurs sera l'oeuvre des travailleurs eux-mêmes

Numéro 6 du 21 Juillet 2000

 

A Saint-Ouen, il n'y a pas de Tziganes heureux

Migration forcée en Ile de France

Durant deux ans, Saint-Ouen a été le théâtre de luttes ayant pour enjeu le logement décent des migrants, essentiellement des Tsiganes roumains. De deux à six cents d'entre eux ont transité par la ville. Une centaine, chassés de Saint-Ouen quelques semaines avant le coup d'envoi de la coupe du monde de football, avaient trouvé asile dans un camp sordide rue des Bateliers, où ils croupissaient dans la misère, sans eau ni électricité. Ils en furent expulsés et jetés à la rue. D'autres, moins nombreux, ont squatté, début 1998, un entrepôt SNCF, 145 bd Victor Hugo. A la demande de la SNCF et avec l'aval du Maire de Saint-Ouen, Paulette Fost, membre du PCF, ils sont expulsés par 150 CRS et l'immeuble est aussitôt détruit au bulldozer le 31 juillet 1998. Malgré l'aide de familles africaines, qui luttaient pour le logement déjà avant l'arrivée des Roumains, et d'associations diverses, dont le DAL, ils manifestent en vain en août devant la Mairie. Déclarés indésirables, ils seront hébergés à Saint-Ouen, rue Farcot, pendant plus d'un an par le collectif d'associations et syndicat, POUM (Pour ouvrir une maison), puis par l'association Echanges, jusqu'à l'expulsion de ce local par les CRS en août 1999. Ce n'est que fin 1999, après avoir vécu des squats provisoires, avoir été refoulés de Sarcelles et être retournés dans un bâtiment industriel à Saint-Ouen, que 45 d'entre eux aboutissent dans une école laissée à l'abandon par l'Education Nationale à Fontenay-sous-Bois. Expulsés brutalement par des vigiles utilisant des chiens, ils sont finalement tolérés dans un immeuble du Rectorat, après que la Mairie communiste de Fontenay ait pris position en leur faveur, sous la pression d'habitants indignés et des associations. Leurs enfants peuvent être scolarisés et ils attendent la régularisation de leurs papiers.

Des règlements inhumains

Contrairement aux idées reçues, les Tsiganes ne sont pas tous nomades. Sur les 300 000 qui résident dans ce pays, des dizaines de milliers de gitans du sud de la France sont sédentarisés depuis des générations. Mais l'aspiration au voyage est forte chez les Manouches et les Roms. Au XXème siècle en France les Tsiganes sont soumis à l'arbitraire des autorités. De 1912 à 1969 ils devaient faire viser à chaque déplacement un carnet anthropométrique, comme s'ils étaient des criminels en puissance. Il a été remplacé par un "carnet de circulation". Le vocabulaire a changé, c'est tout ! La loi Besson du 31 mai 1990 oblige les communes de plus de 5 000 habitants à aménager des aires de stationnement pour les caravanes. Comme rien n'a été prévu en terme de budgets alloués, les aires construites sont trop petites et justifient l'interdiction de stationner sur le reste du territoire de la commune. Des panneaux "Interdit aux nomades de stationner" permettent aux autorités de faire appel à la gendarmerie, là où rien n'a été aménagé. Résultat : en 1997, 8 à 9 000 caravanes cherchaient en Ile-de-France un emplacement alors qu'il n'existait que 500 places pour les accueillir. On comprend pourquoi certains squattaient le camp rue des Bateliers !

En retour, c'est la litanie des expulsions. En 1993 la Marie de Forbach n'avait pas hésité à leur couper l'eau courante pour les faire partir. En 1997, la commune de Villeneuve-Saint-Georges avait requis "le concours de la force publique et de la force armée si besoin" pour déloger des Tsiganes d'un terrain... dont ils étaient propriétaires. Cinquante roulottes expulsées en 98 de la zone industrielle de Ville-la -Grand (Haute-Savoie) par le Maire UDF, les préjugés anti-tsiganes, présents bien souvent dans la population, sont reflétés, et souvent exacerbés pour des raisons électorales par les autorités et le personnel politique qu'il soit de droite comme de gauche. Un jeune Manouche résumait ainsi le racisme : « les gadjé (les sédentaires) nous prennent toujours pour des gens sales, des voleurs de poules ou de mangeurs de hérissons ».

Des siècles d'oppression

Les Tsiganes n'ont pas de textes relatant leur propre histoire, mais ont une histoire écrite en lettres de feu et de sang. En 1427, relate le chroniqueur Pasquier, arrivent à Saint-Denis, aux portes de Paris, les premiers "Bohémiens". « Les hommes étaient tous noirs, les cheveux crêpés et les plus laides femmes... en leur compagnie... étaient sorcières qui regardaient les mains des gens et disaient ce qui leur était advenu ou prédisaient l'avenir ». Venus de l'Inde, les Tsiganes passèrent par l'Europe de l'Est. Ils sont divisés en plusieurs groupes : Manouches ou Sintis, originaires d'Allemagne ou d'Italie ; les Roms (péjorativement, les Bohémiens) très minoritaires, originaires d'Europe Centrale et Orientale ; les Gitans sédentarisés, au sud de la France et en Espagne. Enfin, les Yenishes que certains ne considèrent pas comme Tsiganes car originaires d'Europe et qui se désignent comme "voyageurs". Très vite les "gens du voyage" rencontrent l'hostilité. On les accuse de maux imaginaires : sorcellerie, vol, assassinat, incendie, rapt d'enfants, etc.... L'église refuse toute sépulture à ces "païens".

Du XIV au XX siècle dans toute l'Europe, surtout occidentale, persécutions et tueries deviendront le lot commun des Tsiganes. Louis XIV condamne aux galères ceux que ces agents parviennent à capturer. Au XVII siècle, dans le pays tchèque et en Hollande, les Tsiganes étaient pendus le long de la frontière pour dissuader d'entrer ceux qui se présenteraient. Aux Pays-Bas des chasses aux Tsiganes sont organisées avec le concours de l'armée, chasse assortie des primes. Au Danemark au XVI siècle un hobereau donne sa liste journalière de gibier abattu : "une gitane avec son nourrisson". Des milliers de gitans furent tués en Espagne, Portugal, Angleterre, etc... ou déportés aux Amériques.

Quand ils en eurent la possibilité, ils résistèrent, comme ces mille Tsiganes allemands qui, en 1722, traînant de l'artillerie légère, livrèrent bataille à l'armée régulière.

(Suite au prochain numéro de SOL)

Léo

SAINT-OUEN

PCA Citroën Saint-Ouen condamné

Citroën Saint-Ouen a été condamné par la justice à payer des sommes allant de 40 000 F à 120 000 F à cinq militants de la CGT. Pendant des dizaines d'années, ils ont tous été bloqués dans leur évolution de salaires à cause de leur activité syndicale, n'ont jamais eu de promotion individuelle. Citroën a toujours fait la chasse aux militants de la CGT et a soutenu par tous les moyens le syndicat patronal, la SIA, l'ex-CSL, anciennement CFT, qui s'était tristement illustré pour ses exactions contre les travailleurs. Pendant très longtemps les élections dans l'entreprise étaient truquées. Les ouvriers devaient ramener le bulletin de vote CGT à leur chef, certains électeurs soupçonnés d'être de la CGT étaient interdits de vote, d'autres dénoncés par les mouchards de la direction.
 
C'est bien connu, pour avoir de la rallonge à Citroën, les ouvriers doivent être dans la ligne, les autres ont toujours eu leurs salaires bloqués, et pas seulement les délégués. Pour avoir la paix sociale, le système Citroën, que le directeur actuel Folz prétend changer, a bien servi la société PSA, devenue PCA (Peugeot Citroën Automobile) : c'est-à-dire, les plus bas salaires dans l'automobile et le syndicat à sa botte pour signer les accords pourris, y compris les 35 heures (3 semaines de congés d'été, 1000 F de moins par mois à cause de l'annualisation, etc...) Ce système, un juge l'a condamné, mais pour le changer? La lutte collective des travailleurs s'impose.

 

Léo

SAINT-OUEN - ALSTOM

Attention, voilà les 35 heures !

 

Un malheur n'arrive jamais seul, paraît-il. La procédure en cours, pour les 194 suppressions d'emplois mise en route par l'Alstom, devrait se poursuivre jusqu'en octobre. Et voilà que tombent les premières propositions de la Direction sur les 35 heures. Elles ont déjà convaincu plus d'un qu'il allait falloir « faire quelque chose ».

En voici quelques exemples :

&emdash; suppression des pauses casse-croûte d'un quart d'heure le matin,

&emdash; temps de repas situé au milieu de la journée de travail, c'est-à-dire de 10 h à 10 h 30 par exemple pour l'équipe du matin,

&emdash; baisse des primes d'équipe de 850 F par mois en moyenne pour les équipiers de jour, et de 1030 F pour les équipiers de nuit,

&emdash; réduction des plages variables à 15 minutes, alors que les bureaux par exemple avaient 1 heure 30, pouvant arriver le matin entre 7 h 15 et 8 h 45,

&emdash; modulation sur l'année, avec des périodes de 6 semaines de 6 jours et des périodes de 6 semaines de 4 jours. Six semaines de suite avec le travail le samedi !

&emdash; suppression de tout un tas d'avantages comme la possibilité de partir deux heures plus tôt les veilles de fête, d'avoir une journée payée pour aller à l'enterrement d'un beau parent, ou une demi-journée pour des soins médicaux, etc, etc.

Et il y a tout de même un bon côté dans l'affaire, la réduction du temps de travail, direz-vous ? Même pas ! Car, avec la notion de "temps de travail effectif", la direction veut soustraire des 39 heures actuelles les quarts d'heures de casse-croûte du matin, les temps d'habillage et de déshabillage, et nous serions déjà "effectivement"... à 36 heures. La réduction est donc de 1 heure par semaine soit 12 minutes par jour. Les 30 ouvriers de l'équipe de nuit, avec deux casse-croûtes payés, et un "travail effectif" de 34 heures et quart, devraient donc voir leur temps de travail augmenter de trois quarts d'heures, pour arriver à 35 heures ! Absolument incroyable !

Et ne parlons pas non plus, évidemment, de créations d'emplois. Ce qui était pourtant la grande raison d'être, officiellement, de cette loi des 35 heures.

Une belle arnaque !

Loïc

CONVENTION DE L'UNEDIC

Patronat et gouvernement complices

L'accord scélérat conclu entre le patronat et une partie des syndicats sur l'assurance-chômage représente une nouvelle étape dans l'offensive générale contre l'ensemble des conditions d'existence des travailleurs. Il prévoit entre autres :

&emdash; la "privatisation" du service public de l'emploi, l'ANPE (l'Etat) devenant un sous-traitant de l'UNEDIC (donc du MEDEF et des syndicats qui ont signé) ;

&emdash; la mise en place de contrats précaires de 2 à 5 ans qui remettront en cause les CDI ;

&emdash; la mobilité forcée qui transformera les salariés en travailleurs itinérants sous-payés.

Il est déjà clair que ce qui se mettra en place à partir de janvier 2001, c'est un arsenal important contre les chômeurs et tous les travailleurs. Le MEDEF veut réduire le coût du chômage en limitant l'accès des privés d'emploi à l'indemnisation, mais aussi disposer d'une main-d'¦uvre corvéable, contrainte d'accepter n'importe quel petit boulot mal payé et à se soumettre à plus de mobilité et de flexibilité, et donc abaisser le coût du travail.

Mais plus largement c'est sur les conditions de travail et les salaires qu'il s'agit de faire pression en les rendant plus précaires. Une telle offensive succède à la mise en place des 35 heures qui a déjà servi à imposer le blocage des salaires, flexibilité et précarité toujours sous le prétexte de la lutte contre le chômage et de l'abaissement du temps de travail.

Défenseur du capital et maître d'¦uvre des attaques successives imposées aux salariés, il ne faut pas attendre de la prétendue "impartialité" de l'Etat, même gouverné par la gauche, qu'il impose quoique ce soit aux patrons. Tout juste, les municipales approchant accordera-t-il un peu plus de temps pour que les partenaires sociaux se mettent d'accord sur une version édulcorée de l'accord. Si les travailleurs, avec ou sans emploi, ne se mobilisent pas pour résister, le patronat pourra imposer son projet "aménagé" par le gouvernement comme il l'a fait avec les 35 heures.

Relou

EDITORIAL

Les Cellatex ont eu bien raison

La décision des 153 ouvrières et ouvriers de la Cellatex de déverser de l'acide sulfurique dans un ruisseau affluent de la Meuse, après avoir menacé de faire sauter dans l'usine une cuve de 56 000 litres du même produit, a pesé lourd dans le choix des pouvoirs publics de céder aux revendications des grévistes. Cela, malgré les déclarations du Ministre de l'intérieur Chevènement ne jugeant pas "acceptable de prendre en otage les populations avoisinantes". Lorsque Rhône Poulenc décide de mettre en liquidation judiciaire la Cellatex, le 5 juillet, jetant les travailleurs à la rue, n'est-ce pas aussi un coup de force brutal ?

D'ailleurs, la population environnante, en particulier celle de la commune de Givet, 7500 habitants, ne se sentait pas prise en otage par les salariés qui menaçaient de faire sauter l'usine. Le supermarché directement visé par une explosion de l'usine a gratuitement ravitaillé les ouvriers en lait, eau et café "parce que l'on connaît beaucoup de gens" mais surtout parce que tout le monde a bien compris que la fermeture de l'entreprise rendrait la région encore plus invivable alors qu'elle ne s'est jamais remise de la crise de la sidérurgie.

Les travailleurs de la Cellatex n'ont pas eu tout ce qu'ils voulaient (2 ans de salaire et 150 000 F. d'indemnités de licenciement) mais ils en ont eu un bon bout (80 000 F, le maintien de leur salaire pendant deux ans, 80 % du salaire durant le congé de conversion de 12 mois). Une chose est certaine : ils n'auraient eu que "des clopinettes" s'ils ne s'étaient pas montrés menaçants.

La bourgeoisie s'inquiète car l'exemple fait des émules. Le mercredi 19 juillet, dans la banlieue de Strasbourg, les salariés d'une brasserie, vouée à la fermeture par Heineken, ont menacé de faire sauter des bonbonnes de gaz si on ne leur donnait pas satisfaction. Mais la menace de faire sauter l'outil de production est une arme de désespoir, on ne va pas faire sauter toutes les usines où il y a des bas salaires, des horaires dingues, des cadences infernales et des plans de licenciements.

Ce qu'il faut faire sauter ce ne sont pas les usines mais cette société pourrie et les gouvernements aux ordres des possédants qui saccagent les acquis sociaux, les salaires, les retraites, qui ruinent la vie de millions de travailleurs en les réduisant à la misère. Et pour ce faire il existe un explosif bien plus corrosif que l'acide sulfurique, la lutte offensive et collective des travailleurs.

Oui, il faut que ça pète et pour de bon, pour que la peur change de camp.

 
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