S O L

Saint-Ouen Luttes

L'émancipation des travailleurs sera l'oeuvre des travailleurs eux-mêmes

PRESENTATION THEMATIQUE

l'histoire sociale...

 

 

Saint-Ouen Luttes n°12 du 8 avril 2001 :

Ancienne Usine Farcot

A Saint-Ouen, les luttes ne datent pas d'hier !

 

Les luttes des ouvriers de Saint-Ouen ne datent pas d'hier. Elles sont apparues avec l'industrialisation de la commune qui a commencé notamment avec l'implantation peu avant 1848, par l'industriel Farcot, d'ateliers auparavant situés à Paris. Située au bout de l'avenue de la Gare, actuellement avenue du Capitaine Glarner, et longeant le côté nord de la rue Farcot, l'usine sera rachetée en 1915 par la Société d'outillage mécanique et d'usinage d'artillerie (Somua) puis par Citroën en 1923, usine qui, après de nombreux licenciements, fonctionne toujours au même endroit. L'usine Farcot était spécialisée dans la fabrication des pompes et des machines à vapeur et comptera jusqu'à 700 ouvriers, dans les années 1850, ce qui est énorme pour l'époque.

En 1848, Saint-Ouen ne comptait qu'environ 1500 habitants ; le recensement de 1846 fait état de 1316 habitants et celui de 1851 de 1507 habitants. Mais, dans le quart de siècle qui va suivre Saint-Ouen va voir sa population multipliée par sept pour monter à 11 255 habitants en 1876 puis par 3 dans les 20 années qui vont suivre pour atteindre 30 715 habitants en 1896 (aujourd'hui, la ville compte un peu moins de 40 000 habitants). Les événements principaux de la révolution de 1848, se sont essentiellement déroulés à Paris. Mais, des ouvriers de Saint-Ouen ont participé à cette histoire ; ils travaillaient pratiquement tous chez Farcot.

Excepté Bouttonot né à Saint-Ouen, les "quarante-huitards" de chez Farcot venaient d'un peu partout, Boissière était né à Rouen, Cardinal venait de Plouguenast en Bretagne, et Augsburger de Suisse. Ils étaient ouvrier serrurier, charpentier, mécanicien, modeleur... Ils étaient impliqués dans différents courants politiques socialistes et une partie d'entre eux firent partie de la "Société fraternelle et industrielle des Ouvriers Mécaniciens" et à des organisations, comme "la Cité fraternelle", située au Port de Saint-Ouen, qui permettait aux ouvriers de se retrouver pour prendre leurs repas en commun à meilleur marché, ou pour faire des achats collectifs de vivres. Ces organisations représentaient les embryons des syndicats et des coopératives ouvrières de production qui ont marqué 1848. Ces associations furent interdites ou mises sous tutelle par l'Etat et les notables après la chute de la IIème République. Elles étaient des moyens d'organiser l'entr'aide entre les ouvriers, mais étaient aussi des lieux à partir desquels pouvaient se mettre en place la résistance ouvrière.

Il n'est donc pas étonnant de voir ensuite les "quarante-huitards de chez Farcot" prendre les armes lors des émeutes de Juin 1848 suite à la mise au chômage des dizaines de milliers de travailleurs consécutive à la fermeture des Ateliers nationaux. Boissière aurait combattu en Juin 1848 à la barricade Rochechouart. Chassé de son atelier à son retour, il fut signalé par le patron Farcot qui ne lui pardonnait pas de ne pas avoir accompagné ses fils dans les rangs de la garde nationale qui réprima les émeutes et d'avoir demandé une augmentation de salaire. Arrêté, il sera envoyé en travaux forcés dans les colonies (transportation), jusqu'en 1849.

Avec le Coup d'Etat de Louis Napoléon Bonaparte du 2 décembre 1851, la répression s'abattit à nouveau sur ces militants. Bouttenot et d'autres ouvriers de Farcot qu'ils auraient harangués, furent pris lors de la fusillade rue d'Hauteville, le 3 décembre 1851. Augsburger qui faisait partie des ouvriers en contact avec Blanqui et Louis Blanc, fût arrêté, accusé d'avoir été aux barricades, rue de Lancry. Cardinal avait quitté Saint-Ouen et Farcot le 21 mars 1850 pour retourner à Plouguenast où il se livra à une très active propagande socialiste. Il revint sur Paris en juin 1851 et même s'il ne semble pas avoir participé directement à la lutte contre le Coup d'Etat, il fût arrêté le 14 janvier 1852 à la suite de la saisie de lettres qui traduisaient ses sentiments.

"Transporté", c'est-à-dire envoyé de force, en Algérie, il faisait partie des "Algérie moins", c'est-à-dire des condamnés qui avait une vie à peu près libre dans la colonie à la différence des "Algérie plus" dont la transportation était suivie d'internement. Il s'évadera d'Afrique.

Laurent

Découvrez la Commune de Paris.

Le musée d'Art et d'Histoire de Saint-Denis, 22 bis rue Gabriel Péri à Saint-Denis (tél. 01 42 43 05 10), nous offre jusqu'au 19 juin 2000 une exposition de photos, par un photographe de la Commune, Bruno Braquehais (1823-1874), de tableaux, dessins et témoignages historiques. Du lundi au samedi, de 10 heures à 17 heures. Dimanche de 14 heures à 18 h 30. Sauf le mardi. Les photos sont très parlantes, mais manquent parfois d'explications. Rappelons donc l'essentiel.

En 1871, après la défaite de Sedan et l'abdication de Napoléon III, Paris est assiégée par les Prussiens. Le gouvernement de Thiers, réfugié à Versailles, veut désarmer le peuple, récupérer les canons achetés par les travailleurs parisiens. C'est l'insurrection le 18 mars. La Commune est proclamée le 28 et le mouvement s'étend à Lyon, Marseille, Narbonne, Toulouse, Saint-Etienne. Pendant sa courte existence, la Commune prendra des mesures radicales. Disposant du pouvoir exécutif et législatif, les élus et les fonctionnaires de la Commune, juges, policiers, etc... étaient responsables, révocables à tout instant et rémunérés d'un salaire ouvrier. L'armée fut remplacée par une garde nationale, l'armée de la classe ouvrière. L'Eglise fut séparée de l'Etat, on lui supprima tout droit d'ingérence dans les établissements d'enseignement, ouverts à tous gratuitement. La Commune, ce fut le premier pouvoir révolutionnaire prolétarien. Rien à voir avec un gouvernement de " gauche ". La bourgeoisie, ivre de revanche sur les travailleurs barricadés dans Paris, mit fin à la Commune par un véritable carnage au cours de la semaine sanglante du 22 au 28 mai 1871. Mais comme dit la chanson : « Souviens-toi, Nicolas, que la Commune n'est par morte... ».

Koé

Saint-Ouen Luttes n°4 du 20 mai 2000

HISTOIRE SOCIALE - 1846 - GREVE CHEZ ROLLET

Trois grévistes en prison.

Un des premiers conflits sociaux concernant une entreprise de Saint-Ouen est relaté dans la Gazette des Tribunaux du 6 mai 1846. En effet, c'est souvent devant les juges que se terminaient les grèves, à une époque où elles étaient totalement interdites. François Viellard était ouvrier scieur de pierre dure pour l'entrepreneur Rollet. Il lui présenta, le 16 février 1846, les revendications de sa catégorie, à savoir : l'augmentation d'un franc de la rémunération à la tâche par "mètre superficiel" de pierre dure. Ceci entraînait un passage de la rémunération de onze à douze francs. Suite au refus du patron, le 17 février, la grève fut déclenchée. Par solidarité les scieurs de pierre tendre de l'entreprise, qui eux, se contentaient de cinq francs cinquante par mètre superficiel entrèrent dans la grève. Emmanuel Aubé, scieur de pierre dure, aurait giflé un scieur de pierre tendre qui était venu travailler le 18 février. Alexandre Gervais, également scieur de pierre dure, était, quant à lui, considéré par la police et la justice, par le patron aussi sans doute, comme "le moteur" de la grève.

Tous trois se retrouvèrent, rapidement, emprisonnés en préventive. Début mai, les peines tombèrent. Aubé fut condamné à deux mois de prison comme l'un des responsables de la grève et aussi pour la gifle. Viellard qui avait déposé les revendications eut droit, après deux mois et demi de prévention, à quinze jours de prison. Gervais, le "meneur" fut condamné à deux mois de prison, ce qui excédait aussi la durée de sa prévention. Entre temps, les scieurs de pierre dure avaient, en fin de compte, reçu l'augmentation qu'ils demandaient. Soit, au final, trois ouvriers en prison pendant deux mois et demi chacun du fait d'une grève pour un franc d'augmentation.

Laurent

Du cachemire et des chèvres

Saint-Ouen Ma Ville d'avril a présenté avec l'ouverture d'une rubrique histoire locale, la première industrie à démarrer dans la ville, "Les cachemires Ternaux". Nous avons ainsi appris que des chèvres furent importés du Tibet, que les ateliers reçurent la visite du prince du Danemark, et que le patron est mort intoxiqué sur sa table de billard suite à un incendie... On signale le nombre de métiers à tisser et le nombre de broches... Mais pas un mot sur les ouvriers de la fabrique, ne serait-ce que pour dire qu'on ne sait pas grand chose. A force d'accepter le capitalisme, on a des oublis.

Saint-Ouen Luttes n°3 du 14 avril 2000

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