S O L

Saint-Ouen Luttes

L'émancipation des travailleurs sera l'oeuvre des travailleurs eux-mêmes

PRESENTATION THEMATIQUE

les immigrés, les sans-papiers, les tsiganes...

 

 

L'expulsion des tsiganes continue.

Après les expulsions de la rue Farcot et de la rue des Bateliers, une dizaine de familles tsiganes ayant trouvé refuge avenue du Capitaine Glarner où elles campaient dans leur véhicule, ont été expulsées au petit matin. Leurs voitures ont été provisoirement saisies et la police les a fait déguerpir. Quatre grosses pierres ont été placées pour bloquer le passage (longeant l'usine Citröen et les futurs entrepôts Conforama) où les familles s'étaient installées, afin qu'elles ne puissent pas y revenir. Ce n'est pas parce qu'aucun site de stationnement pour les gens du voyage n'est aménagé dans la ville que les tsiganes doivent payer ce manquement en se faisant jeter !

Nous vous signalons la sortie récente de l'excellent livre de Claire Auzias,
Samudaripen, Le génocide des Tsiganes, Editions de l'Esprit frappeur : 20 F

Nom d'un collège !

Toujours pas de nom retenu pour le 3ème collège de Saint-Ouen. La municipalité souhaite qu'il prenne le nom de l'ancien maire communiste Fernand Lefort, les professeurs souhaitent quant à eux que ce soit le musicien tsigane Django Reinhardt qui soit célébré. Si, comme cela se confirme, un référendum local est lancé, nous vous appellerons à voter : « Le fort en musique : Django ! »

Laurent

Ouf !

Un habitant de Saint-Ouen mondialement connu est le tsigane Django Reinhardt. Par chance, il n'a pas été expulsé comme ceux de l'avenue du capitaine Glarner...

Léo

Saint-Ouen Luttes n°8 du 5 novembre 2000

 

A Saint-Ouen, il n'y a pas de Tziganes heureux

Migration forcée en Ile de France

Durant deux ans, Saint-Ouen a été le théâtre de luttes ayant pour enjeu le logement décent des migrants, essentiellement des Tsiganes roumains. De deux à six cents d'entre eux ont transité par la ville. Une centaine, chassés de Saint-Ouen quelques semaines avant le coup d'envoi de la coupe du monde de football, avaient trouvé asile dans un camp sordide rue des Bateliers, où ils croupissaient dans la misère, sans eau ni électricité. Ils en furent expulsés et jetés à la rue. D'autres, moins nombreux, ont squatté, début 1998, un entrepôt SNCF, 145 bd Victor Hugo. A la demande de la SNCF et avec l'aval du Maire de Saint-Ouen, Paulette Fost, membre du PCF, ils sont expulsés par 150 CRS et l'immeuble est aussitôt détruit au bulldozer le 31 juillet 1998. Malgré l'aide de familles africaines, qui luttaient pour le logement déjà avant l'arrivée des Roumains, et d'associations diverses, dont le DAL, ils manifestent en vain en août devant la Mairie. Déclarés indésirables, ils seront hébergés à Saint-Ouen, rue Farcot, pendant plus d'un an par le collectif d'associations et syndicat, POUM (Pour ouvrir une maison), puis par l'association Echanges, jusqu'à l'expulsion de ce local par les CRS en août 1999. Ce n'est que fin 1999, après avoir vécu des squats provisoires, avoir été refoulés de Sarcelles et être retournés dans un bâtiment industriel à Saint-Ouen, que 45 d'entre eux aboutissent dans une école laissée à l'abandon par l'Education Nationale à Fontenay-sous-Bois. Expulsés brutalement par des vigiles utilisant des chiens, ils sont finalement tolérés dans un immeuble du Rectorat, après que la Mairie communiste de Fontenay ait pris position en leur faveur, sous la pression d'habitants indignés et des associations. Leurs enfants peuvent être scolarisés et ils attendent la régularisation de leurs papiers.

Des règlements inhumains

Contrairement aux idées reçues, les Tsiganes ne sont pas tous nomades. Sur les 300 000 qui résident dans ce pays, des dizaines de milliers de gitans du sud de la France sont sédentarisés depuis des générations. Mais l'aspiration au voyage est forte chez les Manouches et les Roms. Au XXème siècle en France les Tsiganes sont soumis à l'arbitraire des autorités. De 1912 à 1969 ils devaient faire viser à chaque déplacement un carnet anthropométrique, comme s'ils étaient des criminels en puissance. Il a été remplacé par un "carnet de circulation". Le vocabulaire a changé, c'est tout ! La loi Besson du 31 mai 1990 oblige les communes de plus de 5 000 habitants à aménager des aires de stationnement pour les caravanes. Comme rien n'a été prévu en terme de budgets alloués, les aires construites sont trop petites et justifient l'interdiction de stationner sur le reste du territoire de la commune. Des panneaux "Interdit aux nomades de stationner" permettent aux autorités de faire appel à la gendarmerie, là où rien n'a été aménagé. Résultat : en 1997, 8 à 9 000 caravanes cherchaient en Ile-de-France un emplacement alors qu'il n'existait que 500 places pour les accueillir. On comprend pourquoi certains squattaient le camp rue des Bateliers !

En retour, c'est la litanie des expulsions. En 1993 la Marie de Forbach n'avait pas hésité à leur couper l'eau courante pour les faire partir. En 1997, la commune de Villeneuve-Saint-Georges avait requis "le concours de la force publique et de la force armée si besoin" pour déloger des Tsiganes d'un terrain... dont ils étaient propriétaires. Cinquante roulottes expulsées en 98 de la zone industrielle de Ville-la -Grand (Haute-Savoie) par le Maire UDF, les préjugés anti-tsiganes, présents bien souvent dans la population, sont reflétés, et souvent exacerbés pour des raisons électorales par les autorités et le personnel politique qu'il soit de droite comme de gauche. Un jeune Manouche résumait ainsi le racisme : « les gadjé (les sédentaires) nous prennent toujours pour des gens sales, des voleurs de poules ou de mangeurs de hérissons ».

Des siècles d'oppression

Les Tsiganes n'ont pas de textes relatant leur propre histoire, mais ont une histoire écrite en lettres de feu et de sang. En 1427, relate le chroniqueur Pasquier, arrivent à Saint-Denis, aux portes de Paris, les premiers "Bohémiens". « Les hommes étaient tous noirs, les cheveux crêpés et les plus laides femmes... en leur compagnie... étaient sorcières qui regardaient les mains des gens et disaient ce qui leur était advenu ou prédisaient l'avenir ». Venus de l'Inde, les Tsiganes passèrent par l'Europe de l'Est. Ils sont divisés en plusieurs groupes : Manouches ou Sintis, originaires d'Allemagne ou d'Italie ; les Roms (péjorativement, les Bohémiens) très minoritaires, originaires d'Europe Centrale et Orientale ; les Gitans sédentarisés, au sud de la France et en Espagne. Enfin, les Yenishes que certains ne considèrent pas comme Tsiganes car originaires d'Europe et qui se désignent comme "voyageurs". Très vite les "gens du voyage" rencontrent l'hostilité. On les accuse de maux imaginaires : sorcellerie, vol, assassinat, incendie, rapt d'enfants, etc.... L'église refuse toute sépulture à ces "païens".

Du XIV au XX siècle dans toute l'Europe, surtout occidentale, persécutions et tueries deviendront le lot commun des Tsiganes. Louis XIV condamne aux galères ceux que ces agents parviennent à capturer. Au XVII siècle, dans le pays tchèque et en Hollande, les Tsiganes étaient pendus le long de la frontière pour dissuader d'entrer ceux qui se présenteraient. Aux Pays-Bas des chasses aux Tsiganes sont organisées avec le concours de l'armée, chasse assortie des primes. Au Danemark au XVI siècle un hobereau donne sa liste journalière de gibier abattu : "une gitane avec son nourrisson". Des milliers de gitans furent tués en Espagne, Portugal, Angleterre, etc... ou déportés aux Amériques.

Quand ils en eurent la possibilité, ils résistèrent, comme ces mille Tsiganes allemands qui, en 1722, traînant de l'artillerie légère, livrèrent bataille à l'armée régulière.

(Suite au prochain numéro de SOL)

Léo

Saint-Ouen Luttes n°6 du 21 Juillet 2000

SUITE DE SOL N° 6

A Saint-Ouen, il n'y a pas de Tziganes heureux

" Porrajmos ", la Shoah, le génocide oublié des Tsiganes.

Le pire était à venir avec l'avènement du nazisme en 1933. 500 000 Tsiganes - c'est un chiffre minimum -, trouveront la mort dans les camps d'extermination. Le camp Tsigane, dans l'enceinte d'Auschwitz, fut supprimé le 2 août 1944 et les hommes, femmes et enfants furent tués dans les chambres à gaz. Au procès de Nuremberg, organisé après la guerre pour juger les criminels nazis, aucun Tsigane ne fut appeler à témoigner. Bien plus, ils n'ont jamais obtenu la moindre réparation sous prétexte qu'ils n'avaient pas été exterminés au titre d'une persécution raciale. Le Ministre de l'intérieur allemand a même tenu à préciser dans une circulaire qu'ils « ont été persécutés par les nazis non pour quelques raisons raciales, mais en raison de leurs antécédents d'asociaux et de délinquants ».

Les pays dit démocratiques n'ont pas été en reste pour pratiquer une politique raciale anti-Tsigane. En mai 1999 le Parlement suédois a décidé d'indemniser les victimes de la stérilisation forcée pratiquée dans ce pays à l'encontre de 63 000 Tsiganes et malades mentaux entre 1934 et... 1975. Le Danemark et la Norvège ont participé aux mêmes crimes. La Confédération Helvétique, elle a subventionné jusqu'en 1967 l'¦uvre "Pro-Juvente" qui kidnappait les enfants Jénishes pour les éduquer à sa manière, en les soustrayant à leurs parents et en les maltraitant, afin de « combattre le nomadisme en faisant exploser la communauté des gens du voyage ».

Du stalinisme au capitalisme

Les Tsiganes roumains hébergés rue Farcot à Saint-Ouen,, puis à Fontenay-sous-Bois, proviennent de deux villages, Sepreus et Curtiei, situés dans la région d'Arad, au nord-ouest de la Roumanie. Les Tsiganes sont deux millions et plus en Roumanie, la plus forte communauté, précédant celles de Hongrie et de Bulgarie (800 000), celle de Slovaquie (500 000), de l'ex-Yougoslavie (400 000), de la République Tchèque (200 000), de la Bosnie et de l'Albanie (100 000) et de la Pologne (40 000). En Roumanie, la vie des Tsiganes n'a pas été idyllique. Au XVI siècle ils furent réduits en esclavage au profit de l'Etat, du clergé et des propriétaires terriens. Des ventes publiques sont organisées où hommes, femmes et enfants sont vendus sur les marchés. L'esclavage ne sera définitivement aboli qu'en 1856.

Dès la fin des années 1950 des mesures d'assimilation forcée et de sédentarisation brutales sont prises par les régimes staliniens. On leur interdit d'utiliser leur langue. Leur statut de minorité est supprimé sous prétexte qu'ils ne vivent pas sur un territoire défini comme les autres minorités nationales. L'industrialisation leur fait perdre leur emploi traditionnel et les relègue dans les travaux les moins qualifiés et les plus durs. Mais personne n'avait le droit de tuer des Roms ni " officiellement " de les injurier.

L'Europe de l'Est est devenue un enfer pour les Tsiganes. Après les années 90, le passage au capitalisme a considérablement aggravé leur situation dans les pays de l'Est. Ils ont été les grands perdants du passage à l'économie de marché. Ils ont été les premiers à perdre leur emploi, à se retrouver en butte aux comportements ouvertement racistes des chefs d'entreprises et des fonctionnaires. Des dizaines d'entre eux ont succombé aux coups de l'extrême-droite et des skinheads. De véritables pogroms ont eu lieu. Les premiers à fuir ont donc été les Roms de Roumanie pour des raisons économiques et politiques. Quelques-uns ont abouti à Saint-Ouen. Entre 1990 et aujourd'hui plus de 30 Tsiganes tchèques ont péri dans des ratonnades. 80% des enfants Rom sont placé dans des établissements primaires dits "spécialisés", c'est-à-dire réservés aux handicapés mentaux. Des restaurants, des discothèques, des piscines leur sont interdits. A Usti, le Maire a fait construire un mur de 4 mètres pour séparer les HLM des Tsiganes sous prétexte « de séparer les gens décents de ceux qui ne le sont pas ». La guerre de l'OTAN contre la Serbie a fait succéder, au nettoyage ethnique des Albanais par les Serbes du Kosovo, le nettoyage ethnique des Serbes et des Roms par l'UCK albanaise sous prétexte de collaboration avec les Serbes, accompagné des mêmes atrocités. Les Roms sont acculés à fuir la province et à choisir l'exil car ils sont même exposés aux menaces racistes de certains officiers de la KFOR censés les protéger, qui collaborent avec l'UCK.

Que font les pays riches ?

C'est le moment que choisissent les pays riches d'Europe, la France socialiste en tête, pour durcir leur politique en matière d'immigration et d'asile politique pour ces Roms. Elle utilise désormais une procédure prioritaire permettant d'expulser en 24 heures les candidats roumains à l'immigration qui sont majoritairement Tsiganes. L'expulsion d'un groupe de Tsiganes de Gand en Belgique, vers la Slovaquie où ils sont persécutés, est tout un symbole. L'Angleterre, l'Italie et l'Allemagne en font autant. L'Europe capitaliste et démocratique est devenue pour ces Tsiganes un monde sans visa, une Europe barbare, capable de lever ses frontières au passage des capitaux, mais qui les ferme aux Tsiganes persécutés. L'Europe des travailleurs est encore à construire, et son premier acte sera d'abattre ces frontières ignobles qui séparent encore les travailleurs et les peuples de tous les pays.

Léo

Saint-Ouen Luttes n°7 du 30 septembre 2000

SAINT-OUEN - NOUVELLE EXPLOITATION

Marie, "esclave moderne" en lutte.

 

De 1996 à janvier 2000, Marie* vient de subir ce nouveau type d'exploitation, "l'esclavage moderne". Originaire d'Afrique, elle est arrivée au milieu des années 80 pour poursuivre ses études. Après avoir obtenu ses diplômes, la Préfecture a refusé de lui délivrer une carte de séjour. Mais ayant étudié et vécu en France pendant 10 ans, Marie ne souhaite pas quitter l'hexagone. Par le biais de petites annonces, un habitant de Neuilly lui propose de l'employer pour garder sa mère quinquagénaire. Il sait qu'elle n'a pas de titre de séjour mais se propose de faciliter sa régularisation. Pendant un an, elle s'occupera de la veille dame dans son F4 des quartiers riches de Paris. Puis, son employeur déménagera mère et employée de maison à Saint-Ouen dans un deux-pièces. Pendant toute cette période, elle va vivre et dormir dans la pièce principale pour s'occuper de la mère qui est délaissée par son fils. En outre, malgré ses promesses, l'employeur n'a pas régularisé sa situation. Pourtant elle va s'occuper de la mère seule qui « n'avait plus qu'elle au monde ». C'est Marie qui appellera le SAMU pour emmener la vieille dame malade à l'hôpital où elle mourra. Son fils refusait de le faire jugeant qu'elle n'avait pas besoin de soins.

Trois jours après l'enterrement, le fils arrive avec le propriétaire du logement pour récupérer le logement. Marie proteste, mais son employeur lui signifie qu'ils n'ont signé aucun contrat et qu'elle doit maintenant partir. Si elle les écoute, Marie se retrouve alors sans droit aucun, sans logement, sans travail, sans papiers. Tout d'abord désemparée, elle décide de faire face et prend contact avec les syndicats, associations et services sociaux. Un syndicat CFDT l'accompagne dans une procédure aux prud'hommes contre ce néo-esclavagiste. Le DAL l'aide pour son logement et pour réouvrir l'électricité que le propriétaire a coupée afin de faire pression pour que Marie parte. Elle finit par obtenir après quinze années de présence en France, un récépissé de 3 mois qui lui permet de travailler. Ce "fait divers" rappelle les conséquences désastreuses des lois sur l'immigration qui mettent à la merci des employeurs les travailleurs immigrés. Mais Marie a décidé de lutter.

Laurent

* A sa demande l'anonymat a été préservé.

Saint-Ouen Luttes n°5 du 23 Juin 2000

SAINT-DENIS UNIVERSITÉ

A la fac aussi, régularisation de tous les sans-papiers.

 

L'Etat refuse à plusieurs centaines d'étudiants inscrits à la faculté de Paris VIII le droit d'étudier. En effet, malgré leur inscription à l'université, les préfectures d'Ile de France refusent de leur accorder un permis de séjour. Cette situation est intolérable, et, depuis le mois de novembre 1999, les étudiants se sont organisé de manière indépendante au sein du Comité de Lutte des Etudiants Sans-Papiers (CLESP). Depuis le 20 janvier 2000, les étudiants occupent l'amphi X pour faire pression sur l'administration et les pouvoirs publics. L'administration de l'université de Paris VIII doit défendre les droits de ces étudiants et les préfectures, et, à travers elles le gouvernement, doit reconnaître ce droit élémentaire de pouvoir étudier. Au lieu de celà les pouvoirs publics tentent de criminaliser le mouvement en l'accusant de dégradations dans l'université. Jeudi 2 mars, partie de la fac une manifestation a réuni plus de 400 personnes jusqu'à la mairie de Saint-Denis et montre la popularité de leur lutte. Quelles soient de droite ou de gauche les lois Pasqua, Debré et Chevènement sur l'immigration sont une atteinte à la liberté de circulation et d'installation et, comme le montre la lutte des étudiants, aussi au droit à l'éducation. Vous pouvez apporter votre soutien à la lutte des étudiants sans-papiers, Amphi X, Paris 8 Université Vincennes Saint-Denis à Saint-Denis.

Laurent

Saint-Ouen Luttes n° 2 du 7 mars 2000

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