S O L

Saint-Ouen Luttes

L'émancipation des travailleurs sera l'oeuvre des travailleurs eux-mêmes

Numéro 3 du 14 avril 2000

ALSTOM SAINT-OUEN

« Sortir de l'usine, voilà ce qu'il faut faire »

Bruxelles - 10 avril

J'étais à la manif européenne des Alstom. Des usines de six pays étaient représentées Angleterre, Belgique, Allemagne, Espagne, France, Italie. Ce que je retiendrai surtout de cette journée, c'est ce que m'ont raconté les gars de Lys-lez-Lannois. Je crois que c'était eux, proportionnellement, les plus nombreux à la manif: 216 pour une usine de 330 personnes, c'est beaucoup. Plus que Saint-Ouen (un car) et La Courneuve (trois cars). I1 faut dire que leur boîte est menacée de fermeture. L'Alstom cherche un repreneur ! (Ils fabriquent des chaudières pour centrales et usines d'incinération). Ils me racontaient qu'en 1992, ils ont fait plusieurs semaines de grève contre des licenciements. Assemblée générale tous les matins, et, chaque jour, "visite" de boîtes : La Lainière, La Redoute, etc. A l'époque, ils s'appelaient Stein Industrie. Et ils ont fait parler d'eux, ils ont gagné la sympathie de beaucoup de travailleurs, mais sans plus. Actuellement, ils visent l'union avec deux autres boîtes relativement proches, frappées elles aussi par des plans "sociaux" : Claes-Poclain (machines agricoles) et Unilever. Là, ce sera vraiment une unité de lutte. En plus, le climat social n'est plus tout à fait le même : nous sommes dans l'après novembre décembre 1995. Le secteur public bouge (profs, hôpitaux, Impôts, Poste, etc.).

Un petit risque d'extension dans le secteur privé, il n'a que ça qui pourrait leur faire peur, au patronat comme au gouvernement. Que des travailleurs menacés de licenciements réagissent, c'est normal, pour eux. Qu'il faille cracher quelques millions pour faire passer la pilule, c'est inévitable. Qu'il y ait des dégâts matériels, même, peu importe, les assurances assurent. Mais que le mouvement de lutte commence à s'étendre, ça, c'est inquiétant ! Les Lys-lez-Lannoy ont la bonne tactique. Et ils ont pour eux un climat favorable.

Saint-0uen - ll avril

Nous faisons d'abord un tour dans les ateliers (de TSO, transformateurs Saint-0uen), ce qui nous permet de constater qu'il n'y a presque plus personne à travailler. Nous descendons l'avenue Gabriel Péri derrière notre banderole jusqu'au marché Ottino. Un retraité de l'atelier Bobinage, audonien, rejoint notre cortège, puis un ouvrier qui vient d'être opéré, puis une chômeuse ! Des tracts sont distribués en expliquant la situation de l'emploi sur le site Alstom, et en invitant à la conférence de presse prévue à la sortie de l'usine demain à 16 heures.

Saint-0uen - 13 avril

Trompette, défilé et distribution de tracts : cette fois, c'est nous qui sommes surpris, dans l'atelier, de voir passer les "extemalisés" de la SIF (Alstom - Signalisation Ferroviaire). Ils sont venus d'Argenteuil et de Saint-Denis. "Réintégration par l'Alstom des 216 salariés externalisés", demande leur tract. "Vendus" par l'Alstom et déménagés de Saint-Ouen en 1998, ils ont démarré leur mouvement de lutte le jour (fin novembre 1999) où leur patron a convoqué les délégués pour annoncer : "Désolé, il y a un petit problème, il n'y a plus d'argent pour verser vos salaires !"

"C'est ça qu'il faut faire, foutre la merde dans les autres boîtes", me dit un jeune qui bosse avec moi. Je ne sais pas si c'est spécialement à l'Alstom ou à Saint-Ouen, mais cette semaine, le vent qui soufflait poussait à sortir de l'usine pour rencontrer les autres travailleurs, pour partager notre mécontentement.

Loïc

Rectificatif : dans l'article sur l'Alstom de SOL n°2, le lecteur aura corrigé de lui-même, ABB-Alstom-Power compte 54 000 salariés et non 54 et avec les salariés de l'Alstom cela fait au total 145 000 salariés et non 145.

 

SAINT-OUEN - RUE PASTEUR

A petits propos de la Maison de quartierŠ

Nous sommes en Novembre 96, les associations DAL, Echanges et le syndicat CNT 93 cherchent un local à St Ouen et démarchent en vain les pouvoirs publics, notamment pour faire du 6 rue Pasteur une maison de quartier. Un matin d'automne, nous pénétrons dans cette superbe demeure bourgeoise, vide depuis de nombreuses années, et située dans le quartier Garibaldi, où plusieurs d'entre nous habitent. Comme les circuits électriques et les arrivées d'eau ont été sabotés pour rendre le lieu inhabitable, nous changeons de destination pour le 31 rue Farcot où une usine désaffectée accueille parfois des sans abris. Ces 500 m2 appartiennent à une famille de Neuilly-sur-Seine, nous en avons besoin et pas elle. Cette adresse abritera 2 ans 1/2 des activités syndicales, associatives, festives, militantes. Elle servira également, et par la force des choses, de résidences temporaires à de nombreuses familles ou individus exclus du logement social. Le constat du succès de ce lieu n'est plus à faire, il est devenu un lieu de vie et de luttes dans un environnement triste et mort. Mais, incité par la mairie, le propriétaire obtiendra notre expulsion en août 99.

Pendant ce temps, courant 98, qu'est devenue le 6 rue Pasteur ? Et bien la mairie a choisi d'en faire ce pourquoi nous l'avions sollicitée, c'est-à-dire une maison de quartier. La maison a été réhabilitée, aux frais du contribuable et va accueillir des activités municipales. Seulement, et suite à l'expulsion de la rue Farcot, le problème de locaux associatifs refait surface. Après un an d'activités en dessous de sa capacité, la mairie décide de fermer le 6 rue Pasteur pour un an encore afin d'y procéder à de nouveaux travaux d'un montant de l'ordre de 3 millions 500 mille francs. Enlever les anciennes tomettes, détruire le superbe parquet en chêneŠ on ne voit pas l'utilité de ces travaux si ce n'est refaire une nouvelle inauguration à la veille des municipales et empécher que les habitants et associations du quartier puissent avoir un lieu où se retrouver. En effet, la Mairie a refusé d'ouvrir les portes de cette maison à l'association Echanges.

L'expérience des locaux associatifs de la rue Farcot a conduit la mairie à reprendre l'idée à son compte, et c'est tant mieux, mais nous ne pouvons prétendre à aucun espace dans une maison de quartier initiée grâce à cette réquisition ?

N'aurons-nous que ce que nous prendrons ?

Alice

 
SAINT-OUEN

Locataires en colère.

Au 50 rue du Docteur Bauer, le 14 mars, les habitants ont affiché leur colère en accrochant des banderoles. Des locataires se plaignent de certains travaux. "Comme la devanture refaite avec de la peinture à l'eau, problèmes d'électricité : prises mal installées, baguettes grossières, une ventilation bruyante et qui dégage de la poussière". De plus, un hausse de loyer est prévue au mois d'avril et une partie des résidents sont contre et sont prêts à ne pas laisser faire et en appellent au Tribunal d'Instance de Saint-Ouen pour essayer de faire bloquer cette augmentation. Les locataires du 50 rue du Docteur Bauer ont bien raison de ne pas se laisser faire.

Koé

EDUCATION NATIONALE

Allègre parti, rien n'est réglé.

Jospin a été obligé de larguer Allègre sous la pression des enseignants et des parents d'élèves. Mais le départ du "fusible" et son remplacement par Jack Lang ne change rien quant au fond. Les problèmes restent entiers. Si Jospin a crû s'en tirer en lâchant un malheureux milliard à l'Education Nationale, 0,33 % du budget de l'Education (contre 14 % d'augmentation des profits en Bourse cette année), il se trompe. Par contre, il a octroyé cette année 100 milliards de subventions aux industriels et aux banquiers.

Deux poids, deux mesures. Rien n'est réglé. Les réformes programmées par Allègre, Jack Lang entend bien les continuer, mais avec le sourire. Elles auraient pour résultat de dévaloriser encore plus l'enseignement professionnel, de vider les diplômes de leur contenu, de diminuer le nombre d'heures de cours, d'accentuer les inégalités, de multiplier encore le nombre de classes surchargées, de pouvoir encore moins remplacer les enseignants malades.

Les demandes des enseignants sont justes et restent d'actualité. Non, il n'y a aucune raison d'accepter les suppressions de classes et de postes à la rentrée. Oui, il faut embaucher des enseignants, des infirmières, des assistantes sociales, du personnel ATOSS, des conseillers d'orientation, des surveillants. Si l'on veut une éducation de qualité, il est nécessaire d'obtenir du personnel en nombre suffisant, de pouvoir construire d'autres écoles, lycées, collèges, facultés, et qu'il y ait le matériel pédagogique adéquat. Oui, les conditions de travail dans l'enseignement se dégradent pour les enseignants, la vie devient plus difficile pour les parents, et les enfants de travailleurs n'auront plus droit qu'à une éducation au rabais. Ils n'ont pas à faire les frais de cette situation. De l'argent, I'Etat en a plein les caisses. Si cela ne suffit pas, il n'y a qu'à prendre sur les super-bénéfices des grosses entreprises.

 

Léo

INTERNATIONAL

Tchétchènie, la sale guerre continue.

Sous prétexte de lutter contre les attentats des terroristes tchétchènes, attentats selon toute vraisemblance orchestrées par la police secrète russe, la guerre en Tchétchènie se poursuit avec son cortège de fusillades, de pillages, de viols, de tortures dans les camps de filtration russes. La population est prise en étau entre les nationalistes tchétchènes qui ont instauré la charia, loi islamique héritée du Moyen âge, et la soldatesque russe qui veut se revanche sur la défaite qu'elle a connue lors de la 1ère guerre et qui a fait plus de 50 000 morts de 1994 à 1996. Les dirigeants occidentaux malgré les protestations pour la galerie laissent faire. Ils espèrent que Poutine, élu grâce à l'exacerbation du nationalisme russe anti-tchétchène, puisse restaurer un état fort, un partenaire fiable pour l'impérialisme. Le peuple tchétchène a le droit de s'autodéterminer et la condition première en est le retrait des troupes russes hors de Tchétchènie.

Léo

HISTOIRE SOCIALE - 1846 - GREVE CHEZ ROLLET

Trois grévistes en prison.

Un des premiers conflits sociaux concernant une entreprise de Saint-Ouen est relaté dans la Gazette des Tribunaux du 6 mai 1846. En effet, c'est souvent devant les juges que se terminaient les grèves, à une époque où elles étaient totalement interdites. François Viellard était ouvrier scieur de pierre dure pour l'entrepreneur Rollet. Il lui présenta, le 16 février 1846, les revendications de sa catégorie, à savoir : l'augmentation d'un franc de la rémunération à la tâche par "mètre superficiel" de pierre dure. Ceci entraînait un passage de la rémunération de onze à douze francs. Suite au refus du patron, le 17 février, la grève fut déclenchée. Par solidarité les scieurs de pierre tendre de l'entreprise, qui eux, se contentaient de cinq francs cinquante par mètre superficiel entrèrent dans la grève. Emmanuel Aubé, scieur de pierre dure, aurait giflé un scieur de pierre tendre qui était venu travailler le 18 février. Alexandre Gervais, également scieur de pierre dure, était, quant à lui, considéré par la police et la justice, par le patron aussi sans doute, comme "le moteur" de la grève.

Tous trois se retrouvèrent, rapidement, emprisonnés en préventive. Début mai, les peines tombèrent. Aubé fut condamné à deux mois de prison comme l'un des responsables de la grève et aussi pour la gifle. Viellard qui avait déposé les revendications eut droit, après deux mois et demi de prévention, à quinze jours de prison. Gervais, le "meneur" fut condamné à deux mois de prison, ce qui excédait aussi la durée de sa prévention. Entre temps, les scieurs de pierre dure avaient, en fin de compte, reçu l'augmentation qu'ils demandaient. Soit, au final, trois ouvriers en prison pendant deux mois et demi chacun du fait d'une grève pour un franc d'augmentation.

Laurent

Du cachemire et des chèvres

Saint-Ouen Ma Ville d'avril a présenté avec l'ouverture d'une rubrique histoire locale, la première industrie à démarrer dans la ville, "Les cachemires Ternaux". Nous avons ainsi appris que des chèvres furent importés du Tibet, que les ateliers reçurent la visite du prince du Danemark, et que le patron est mort intoxiqué sur sa table de billard suite à un incendie... On signale le nombre de métiers à tisser et le nombre de broches... Mais pas un mot sur les ouvriers de la fabrique, ne serait-ce que pour dire qu'on ne sait pas grand chose. A force d'accepter le capitalisme, on a des oublis.

 

EDITORIAL

Faire sauter les "fusibles", ça ne suffira pas !

Après avoir reculé devant la mobilisation des agents des impôts et lâché Sautter, Jospin face à la révolte des enseignants a dû congédier Allègre. Mais si les têtes changent, le gouvernement de la gauche plurielle entend bien continuer ses attaques contre les travailleurs pour répondre aux attentes du patronat.

Alors que les patrons continuent à licencier, il ne dit pas un mot, et rien non plus contre les projets du Medef de transformer les CDI en contrats de cinq ans, déjà utilisés avec les emplois-jeunes. La gauche gouvernementale, malgré ses protestations platoniques ¦uvre dans le sens du patronat pour ramener les conditions de travail à celles du XIXe siècle. L'offensive contre les retraites, pour faire passer le nombre d'annuités de 37,5 à 40 années, se prépare. Pourtant, il suffirait de prendre sur les énormes bénéfices des entreprises pour payer ces retraites. La durée des cotisations devrait être ramené à 37,5 années, au plus, pour tous.

Les confédérations syndicales co-gestionnaires sont prudentes tout en laissant la porte ouverte pour les négociations autour du tapis vert. En effet, elles ont pu constater qu'aux dernières élections syndicales à la SNCF, la CGT qui avait signé l'accord a beaucoup perdu, alors que la CGT Talbot qui avait refusé a eu de sérieux gains. Les attaques contre les travailleurs des impôts, des postes, des hôpitaux, des écoles, du public comme du privé sont concernés. Ce qui est nécessaire c'est de ne pas lutter en ordre dispersé mais de généraliser les luttes.

 

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