Saint-Ouen Luttes
ALSTOM SAINT-OUEN
« Sortir de l'usine, voilà ce qu'il faut faire »
Bruxelles - 10 avril
J'étais à la manif européenne des Alstom. Des usines de six pays étaient représentées Angleterre, Belgique, Allemagne, Espagne, France, Italie. Ce que je retiendrai surtout de cette journée, c'est ce que m'ont raconté les gars de Lys-lez-Lannois. Je crois que c'était eux, proportionnellement, les plus nombreux à la manif: 216 pour une usine de 330 personnes, c'est beaucoup. Plus que Saint-Ouen (un car) et La Courneuve (trois cars). I1 faut dire que leur boîte est menacée de fermeture. L'Alstom cherche un repreneur ! (Ils fabriquent des chaudières pour centrales et usines d'incinération). Ils me racontaient qu'en 1992, ils ont fait plusieurs semaines de grève contre des licenciements. Assemblée générale tous les matins, et, chaque jour, "visite" de boîtes : La Lainière, La Redoute, etc. A l'époque, ils s'appelaient Stein Industrie. Et ils ont fait parler d'eux, ils ont gagné la sympathie de beaucoup de travailleurs, mais sans plus. Actuellement, ils visent l'union avec deux autres boîtes relativement proches, frappées elles aussi par des plans "sociaux" : Claes-Poclain (machines agricoles) et Unilever. Là, ce sera vraiment une unité de lutte. En plus, le climat social n'est plus tout à fait le même : nous sommes dans l'après novembre décembre 1995. Le secteur public bouge (profs, hôpitaux, Impôts, Poste, etc.).
Un petit risque d'extension dans le secteur privé, il n'a que ça qui pourrait leur faire peur, au patronat comme au gouvernement. Que des travailleurs menacés de licenciements réagissent, c'est normal, pour eux. Qu'il faille cracher quelques millions pour faire passer la pilule, c'est inévitable. Qu'il y ait des dégâts matériels, même, peu importe, les assurances assurent. Mais que le mouvement de lutte commence à s'étendre, ça, c'est inquiétant ! Les Lys-lez-Lannoy ont la bonne tactique. Et ils ont pour eux un climat favorable.
Saint-0uen - ll avril
Nous faisons d'abord un tour dans les ateliers (de TSO, transformateurs Saint-0uen), ce qui nous permet de constater qu'il n'y a presque plus personne à travailler. Nous descendons l'avenue Gabriel Péri derrière notre banderole jusqu'au marché Ottino. Un retraité de l'atelier Bobinage, audonien, rejoint notre cortège, puis un ouvrier qui vient d'être opéré, puis une chômeuse ! Des tracts sont distribués en expliquant la situation de l'emploi sur le site Alstom, et en invitant à la conférence de presse prévue à la sortie de l'usine demain à 16 heures.
Saint-0uen - 13 avril
Trompette, défilé et distribution de tracts : cette fois, c'est nous qui sommes surpris, dans l'atelier, de voir passer les "extemalisés" de la SIF (Alstom - Signalisation Ferroviaire). Ils sont venus d'Argenteuil et de Saint-Denis. "Réintégration par l'Alstom des 216 salariés externalisés", demande leur tract. "Vendus" par l'Alstom et déménagés de Saint-Ouen en 1998, ils ont démarré leur mouvement de lutte le jour (fin novembre 1999) où leur patron a convoqué les délégués pour annoncer : "Désolé, il y a un petit problème, il n'y a plus d'argent pour verser vos salaires !"
"C'est ça qu'il faut faire, foutre la merde dans les autres boîtes", me dit un jeune qui bosse avec moi. Je ne sais pas si c'est spécialement à l'Alstom ou à Saint-Ouen, mais cette semaine, le vent qui soufflait poussait à sortir de l'usine pour rencontrer les autres travailleurs, pour partager notre mécontentement.
Loïc
Rectificatif : dans l'article sur l'Alstom de SOL n°2, le lecteur aura corrigé de lui-même, ABB-Alstom-Power compte 54 000 salariés et non 54 et avec les salariés de l'Alstom cela fait au total 145 000 salariés et non 145.
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