Saint-Ouen Luttes n° 4 - 20 mai 2000
Valéo, Alstom, partout : Les travailleurs contre les profiteurs de l'amiante. Saint-Ouen, Lycée Blanqui : Un professeur poursuivi en justice par sa direction. Saint-Ouen : Les licenciements à l'Alstom. Bréves : Travailler pour gagner sa vie, pas pour la perdre ! - Une vie de chien. Histoire sociale - Découvrez la Commune de Paris. L'éditorial : Le MEDEF en veut toujours plus... Sur un seul fichier : Tous les articles du numéro 4

VALEO, ALSTOM, PARTOUT

Les travailleurs contre les profiteurs de l'amiante

Anciennement nommée Ferrodo, Valeo utilisait l'amiante comme matière première des plaquettes de freins, et Alstom essentiellement comme outillage de protection pour les soudures et les brasures. A ce titre, ces deux usines ont introduit dans Saint-Ouen des tonnes et des tonnes de ce matériau cancérigène.

Les travailleurs d'Alstom viennent d'avoir le résultat d'un procès en correctionnelle, à Bobigny, qu'ils ont intenté à leur ancien directeur pour " mise en danger d'autrui ". Le 18 mai, M. Pierre Krieger a été déclaré coupable et condamné à 50 000 francs d'amende avec sursis, plus 25 000 francs pour les syndicats CFDT et CGT. A notre connaissance c'est la première fois, en France, qu'un chef d'établissement est personnellement condamné dans une affaire d'amiante.

La lutte contre ce fléau mortel a démarré fin 1996, quand ils ont appris le décès d'un de leurs anciens camarades de travail, monteur-transformateur, décèdé suite à un cancer dû à l'amiante. Des centaines d'ouvriers à Alstom Saint-Ouen ont travaillé avec de l'amiante, et ils découvrent brusquement que l'amiante n'est pas seulement un produit nocif parmi d'autres, mais qu'il tue à retardement, entre 10 et 50 ans après inhalation de ses poussières ; et que les patrons, ingénieurs de sécurité, médecins du travail, ministres, experts, etc. savaient tout cela depuis des dizaines d'années.

Ils le savaient !

C'est en 1906 qu'un médecin du travail de Condé-sur-Noireau (Calvados) établit le rapport entre le travail de l'amiante et le décès d'une cinquantaine d'ouvriers. Dès les années 1930, on a mis en évidence qu'il s'agit de cancers. Dans les années 1960, les frères Blandin font breveter un produit de remplacement, qui est racheté par les trusts concernés (Saint-Gobain et Eternit) et l'invention est enterrée. En 1974, l'usine Amisol à Clermont-Ferrand est fermée, les ouvriers occupent l'usine et la font visiter. Des scientifiques de l'université de Jussieu, floquée à l'amiante, font le voyage à l'usine de Clermont-Ferrand Le scandale éclate.. La lutte aboutit à une loi de protection des travailleurs en 1977.

Puis, c'est la Gauche.

1981... L'ambiance est à la concertation, à la réforme par législations, à la collaboration entre syndicats et ministères. Un CPA (comité permanent amiante), proposé et financé par le patronat, est mis en place, qui réunit une quarantaine de spécialistes du patronat, des pouvoirs publics et des directions syndicales. Ce comité étudiera le problème pendant 15 ans, 15 années pendant lesquelles la France restera le premier importateur d'amiante dans le monde (350 000 tonnes par an), 15 années pendant lesquelles les travailleurs, les étudiants, etc. continueront à respirer des fibres mortelles, et les entreprises, à profiter.

Les années 1990.

Mais les maladies et les décès n'attendent pas : 2000 morts en 1996 selon l'INSERM (Institut national de recherche médicale). Une ANDEVA (association de défense des victimes de l'amiante) est fondée début 1996. Elle fait rapidement éclater à nouveau le " scandale de l'air contaminé ". Une loi interdit la vente et l'usage de l'amiante à partir du 1er janvier 1997. Mais la lutte continue. Les épidémiologistes prédisent un accroissement du nombre de décès, jusqu'à 10 000 par an (plus que les accidents de la route), pour un total cumulé à la finale, vers 2040, d'environ 100 000 morts en France. La pression ne se relâche pas. D'abord pour faire payer les responsables, tous les responsables : ceux du patronat commme ceux des pouvoirs publics. Mais aussi pour la prise en charge des victimes et de leur famille. Sur un minimum de 2 000 décès par an actuellement, seuls 86 ont été pris en charge au titre de la maladie professionnelle. Il faut savoir que, contrairement à l'assurance-maladie, la caisse des ATMP (accidents du travail et maladies professionnelles) est financée à 100 % par les cotisations patronales. D'où un barrage systématique des prises en charge.

Voilà dans quelle lutte sont engagés les travailleurs de Valéo et Alstom. Leur combat est celui de tous les travailleurs, car les flocages d'amiante, les freins en amiante, etc. étaient et sont encore présents dans les immeubles, les écoles, le métro...

Loïc

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