SUITE DU N°6
A Saint-Ouen, il n'y a pas de Tziganes heureux
" Porrajmos ", la Shoah, le génocide oublié des Tsiganes.
Le pire était à venir avec l'avènement du nazisme en 1933. 500 000 Tsiganes - c'est un chiffre minimum -, trouveront la mort dans les camps d'extermination. Le camp Tsigane, dans l'enceinte d'Auschwitz, fut supprimé le 2 août 1944 et les hommes, femmes et enfants furent tués dans les chambres à gaz. Au procès de Nuremberg, organisé après la guerre pour juger les criminels nazis, aucun Tsigane ne fut appeler à témoigner. Bien plus, ils n'ont jamais obtenu la moindre réparation sous prétexte qu'ils n'avaient pas été exterminés au titre d'une persécution raciale. Le Ministre de l'intérieur allemand a même tenu à préciser dans une circulaire qu'ils « ont été persécutés par les nazis non pour quelques raisons raciales, mais en raison de leurs antécédents d'asociaux et de délinquants ».
Les pays dit démocratiques n'ont pas été en reste pour pratiquer une politique raciale anti-Tsigane. En mai 1999 le Parlement suédois a décidé d'indemniser les victimes de la stérilisation forcée pratiquée dans ce pays à l'encontre de 63 000 Tsiganes et malades mentaux entre 1934 et... 1975. Le Danemark et la Norvège ont participé aux mêmes crimes. La Confédération Helvétique, elle a subventionné jusqu'en 1967 l'¦uvre "Pro-Juvente" qui kidnappait les enfants Jénishes pour les éduquer à sa manière, en les soustrayant à leurs parents et en les maltraitant, afin de « combattre le nomadisme en faisant exploser la communauté des gens du voyage ».
Du stalinisme au capitalisme
Les Tsiganes roumains hébergés rue Farcot à Saint-Ouen,, puis à Fontenay-sous-Bois, proviennent de deux villages, Sepreus et Curtiei, situés dans la région d'Arad, au nord-ouest de la Roumanie. Les Tsiganes sont deux millions et plus en Roumanie, la plus forte communauté, précédant celles de Hongrie et de Bulgarie (800 000), celle de Slovaquie (500 000), de l'ex-Yougoslavie (400 000), de la République Tchèque (200 000), de la Bosnie et de l'Albanie (100 000) et de la Pologne (40 000). En Roumanie, la vie des Tsiganes n'a pas été idyllique. Au XVI siècle ils furent réduits en esclavage au profit de l'Etat, du clergé et des propriétaires terriens. Des ventes publiques sont organisées où hommes, femmes et enfants sont vendus sur les marchés. L'esclavage ne sera définitivement aboli qu'en 1856.
Dès la fin des années 1950 des mesures d'assimilation forcée et de sédentarisation brutales sont prises par les régimes staliniens. On leur interdit d'utiliser leur langue. Leur statut de minorité est supprimé sous prétexte qu'ils ne vivent pas sur un territoire défini comme les autres minorités nationales. L'industrialisation leur fait perdre leur emploi traditionnel et les relègue dans les travaux les moins qualifiés et les plus durs. Mais personne n'avait le droit de tuer des Roms ni " officiellement " de les injurier.
L'Europe de l'Est est devenue un enfer pour les Tsiganes. Après les années 90, le passage au capitalisme a considérablement aggravé leur situation dans les pays de l'Est. Ils ont été les grands perdants du passage à l'économie de marché. Ils ont été les premiers à perdre leur emploi, à se retrouver en butte aux comportements ouvertement racistes des chefs d'entreprises et des fonctionnaires. Des dizaines d'entre eux ont succombé aux coups de l'extrême-droite et des skinheads. De véritables pogroms ont eu lieu. Les premiers à fuir ont donc été les Roms de Roumanie pour des raisons économiques et politiques. Quelques-uns ont abouti à Saint-Ouen. Entre 1990 et aujourd'hui plus de 30 Tsiganes tchèques ont péri dans des ratonnades. 80% des enfants Rom sont placé dans des établissements primaires dits "spécialisés", c'est-à-dire réservés aux handicapés mentaux. Des restaurants, des discothèques, des piscines leur sont interdits. A Usti, le Maire a fait construire un mur de 4 mètres pour séparer les HLM des Tsiganes sous prétexte « de séparer les gens décents de ceux qui ne le sont pas ». La guerre de l'OTAN contre la Serbie a fait succéder, au nettoyage ethnique des Albanais par les Serbes du Kosovo, le nettoyage ethnique des Serbes et des Roms par l'UCK albanaise sous prétexte de collaboration avec les Serbes, accompagné des mêmes atrocités. Les Roms sont acculés à fuir la province et à choisir l'exil car ils sont même exposés aux menaces racistes de certains officiers de la KFOR censés les protéger, qui collaborent avec l'UCK.
Que font les pays riches ?
C'est le moment que choisissent les pays riches d'Europe, la France socialiste en tête, pour durcir leur politique en matière d'immigration et d'asile politique pour ces Roms. Elle utilise désormais une procédure prioritaire permettant d'expulser en 24 heures les candidats roumains à l'immigration qui sont majoritairement Tsiganes. L'expulsion d'un groupe de Tsiganes de Gand en Belgique, vers la Slovaquie où ils sont persécutés, est tout un symbole. L'Angleterre, l'Italie et l'Allemagne en font autant. L'Europe capitaliste et démocratique est devenue pour ces Tsiganes un monde sans visa, une Europe barbare, capable de lever ses frontières au passage des capitaux, mais qui les ferme aux Tsiganes persécutés. L'Europe des travailleurs est encore à construire, et son premier acte sera d'abattre ces frontières ignobles qui séparent encore les travailleurs et les peuples de tous les pays.
Léo
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