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A Saint-Ouen, il n'y a pas de Tziganes heureux
Migration forcée en Ile de France
Durant deux ans, Saint-Ouen a été le théâtre de luttes ayant pour enjeu le logement décent des migrants, essentiellement des Tsiganes roumains. De deux à six cents d'entre eux ont transité par la ville. Une centaine, chassés de Saint-Denis quelques semaines avant le coup d'envoi de la coupe du monde de football, avaient trouvé asile dans un camp sordide rue des Bateliers, où ils croupissaient dans la misère, sans eau ni électricité. Ils en furent expulsés et jetés à la rue. D'autres, moins nombreux, ont squatté, début 1998, un entrepôt SNCF, 145 bd Victor Hugo. A la demande de la SNCF et avec l'aval du Maire de Saint-Ouen, Paulette Fost, membre du PCF, ils sont expulsés par 150 CRS et l'immeuble est aussitôt détruit au bulldozer le 31 juillet 1998. Malgré l'aide de familles africaines, qui luttaient pour le logement déjà avant l'arrivée des Roumains, et d'associations diverses, dont le DAL, ils manifestent en vain en août devant la Mairie. Déclarés indésirables, ils seront hébergés à Saint-Ouen, rue Farcot, pendant plus d'un an par le collectif d'associations et syndicat, POUM (Pour ouvrir une maison), puis par l'association Echanges, jusqu'à l'expulsion de ce local par les CRS en août 1999. Ce n'est que fin 1999, après avoir vécu des squats provisoires, avoir été refoulés de Sarcelles et être retournés dans un bâtiment industriel à Saint-Ouen, que 45 d'entre eux aboutissent dans une école laissée à l'abandon par l'Education Nationale à Fontenay-sous-Bois. Expulsés brutalement par des vigiles utilisant des chiens, ils sont finalement tolérés dans un immeuble du Rectorat, après que la Mairie communiste de Fontenay ait pris position en leur faveur, sous la pression d'habitants indignés et des associations. Leurs enfants peuvent être scolarisés et ils attendent la régularisation de leurs papiers.
Des règlements inhumains
Contrairement aux idées reçues, les Tsiganes ne sont pas tous nomades. Sur les 300 000 qui résident dans ce pays, des dizaines de milliers de gitans du sud de la France sont sédentarisés depuis des générations. Mais l'aspiration au voyage est forte chez les Manouches et les Roms. Au XXème siècle en France les Tsiganes sont soumis à l'arbitraire des autorités. De 1912 à 1969 ils devaient faire viser à chaque déplacement un carnet anthropométrique, comme s'ils étaient des criminels en puissance. Il a été remplacé par un "carnet de circulation". Le vocabulaire a changé, c'est tout ! La loi Besson du 31 mai 1990 oblige les communes de plus de 5 000 habitants à aménager des aires de stationnement pour les caravanes. Comme rien n'a été prévu en terme de budgets alloués, les aires construites sont trop petites et justifient l'interdiction de stationner sur le reste du territoire de la commune. Des panneaux "Interdit aux nomades de stationner" permettent aux autorités de faire appel à la gendarmerie, là où rien n'a été aménagé. Résultat : en 1997, 8 à 9 000 caravanes cherchaient en Ile-de-France un emplacement alors qu'il n'existait que 500 places pour les accueillir. On comprend pourquoi certains squattaient le camp rue des Bateliers !
En retour, c'est la litanie des expulsions. En 1993 la Marie de Forbach n'avait pas hésité à leur couper l'eau courante pour les faire partir. En 1997, la commune de Villeneuve-Saint-Georges avait requis "le concours de la force publique et de la force armée si besoin" pour déloger des Tsiganes d'un terrain... dont ils étaient propriétaires. Cinquante roulottes expulsées en 98 de la zone industrielle de Ville-la -Grand (Haute-Savoie) par le Maire UDF, les préjugés anti-tsiganes, présents bien souvent dans la population, sont reflétés, et souvent exacerbés pour des raisons électorales par les autorités et le personnel politique qu'il soit de droite comme de gauche. Un jeune Manouche résumait ainsi ce racisme : « les gadjé (les sédentaires) nous prennent toujours pour des gens sales, des voleurs de poules ou de mangeurs de hérissons ».
Des siècles d'oppression
Les Tsiganes n'ont pas de textes relatant leur propre histoire, mais ont une histoire écrite en lettres de feu et de sang. En 1427, relate le chroniqueur Pasquier, arrivent à Saint-Denis, aux portes de Paris, les premiers "Bohémiens". « Les hommes étaient tous noirs, les cheveux crêpés et les plus laides femmes... en leur compagnie... étaient sorcières qui regardaient les mains des gens et disaient ce qui leur était advenu ou prédisaient l'avenir ». Venus d'Inde, les Tsiganes passèrent par l'Europe de l'Est. Ils sont divisés en plusieurs groupes : Manouches ou Sintis, originaires d'Allemagne ou d'Italie ; les Roms (péjorativement, les Bohémiens) très minoritaires, originaires d'Europe Centrale et Orientale ; les Gitans sédentarisés, au sud de la France et en Espagne. Enfin, les Yenishes que certains ne considèrent pas comme Tsiganes, car originaires d'Europe et qui se désignent comme "voyageurs". Très vite les "gens du voyage" rencontrent l'hostilité. On les accuse de maux imaginaires : sorcellerie, vol, assassinat, incendie, rapt d'enfants, etc.... L'église refuse toute sépulture à ces "païens".
Du XIV au XX siècle dans toute l'Europe, surtout occidentale, persécutions et tueries deviendront le lot commun des Tsiganes. Louis XIV condamne aux galères ceux que ses agents parviennent à capturer. Au XVII siècle, dans le pays tchèque et en Hollande, les Tsiganes étaient pendus le long de la frontière pour dissuader d'entrer ceux qui se présenteraient. Aux Pays-Bas des chasses aux Tsiganes sont organisées avec le concours de l'armée, chasse assortie des primes. Au Danemark au XVI siècle un hobereau donne sa liste journalière de gibier abattu : "une gitane avec son nourrisson". Des milliers de gitans furent tués en Espagne, Portugal, Angleterre, etc... ou déportés aux Amériques.
Quand ils en eurent la possibilité, ils résistèrent, comme ces mille Tsiganes allemands qui, en 1722, traînant de l'artillerie légère, livrèrent bataille à l'armée régulière.
(Suite au prochain numéro de SOL)
Léo
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